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Des racines et des gènes Une histoire mondiale de l’agriculture

Denis Lefèvre Rue de l’échiquier, 2018, 576 p., 12,50 €

C’est une somme – onze cents pages ! – que nous livre en deux volumes le journaliste et écrivain Denis Lefèvre. L’ambition est, il est vrai, considérable : nous offrir une histoire mondiale de l’agriculture. Une ambition qui s’appuie sur une indéniable érudition et qui s’enracine dans une histoire personnelle, celle d’un fils d’agriculteurs de l’Aisne qui en deux générations a participé à mais aussi subi l’industrialisation de l’agriculture. Ce grand chambardement se retrouve inscrit dans une histoire longue, selon un schéma classique désormais bien établi, qui prend son origine au Levant entre le Xe et le VIIe millénaire avant Jésus Christ, là où se constituent les fondamentaux d’une économie agricole dont nous sommes encore aujourd’hui tributaires et dont le marqueur est la domestication puis la sélection d’un nombre (restreint) d’espèces animales et végétales. Denis Lefèvre mentionne les autres foyers d’apparition de l’agriculture (notamment le bassin du fleuve Jaune), mais, c’est surtout le rameau levantin qu’il suivra tout au long du premier tome jusqu’à la révolution scientifique des XVIIIe et XIXe siècles en Europe occidentale. Le second tome couvrira la modernisation – soit l’industrialisation – de l’agriculture après la Seconde Guerre mondiale : la mécanisation, la motorisation, le développement des engrais et des pesticides, l’augmentation des rendements sans négliger les conséquences sociales, territoriales et environnementales – lesquelles contribuent au développement du mouvement écologiste. L’auteur s’efforce de rendre également compte des mesures prises par les gouvernements successifs pour orienter l’agriculture. Ce qui donne un ouvrage aux dimensions multiples, traitant à la fois des techniques, des mentalités, des enjeux administratifs et parfois des tensions politiques. Denis Lefèvre se fait chroniqueur des démêlés des gouvernements successifs face aux organisations professionnelles agricoles. Mais ici, il se limite à la France. D’où l’une des difficultés de lecture de l’ouvrage qui alterne les échelles – le monde et la France (60% de l’ouvrage) –, les angles d’approches – agricultures, société paysanne, ruralité, politiques agricoles –, comme le ton (descriptif, analytique, normatif, méditatif voire lyrique...). Dans certains chapitres dominent des collections de portraits et des études de cas, généralement intéressantes et bien documentées mais qui n’échappent pas à l’effet d’inventaire. Une telle compilation, dont la structure n’est pas toujours évidente, réjouira l’érudit mais risque de rendre difficile la lecture, malgré une langue toujours simple et précise. Il s’agit bien d’une somme et non d’une synthèse ! Ce travail considérable aurait sans doute demandé un autre traitement éditorial (appareil de notes, encadrés, annexes) plutôt qu’une présentation sous forme d’essai.

Matthieu Calame
15 avril 2019
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