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Bullshit jobs

David Graeber Éditions Les liens qui libèrent, 2018, 416 p., 25 €

David Graeber est anthropologue et économiste, connu pour ses écrits sur la dette, mais surtout, ces derniers temps, pour son article dans le magazine radical Strike! : « Le phénomène des jobs à la con ». Devant le succès de cette dénomination de bullshit jobs, et les torrents de témoignages reçus validant son intuition, David Graeber a choisi de poursuivre la réflexion dans cet ouvrage imposant par ses quelque 400 pages. Cette intuition ? Que certains emplois, « consultants en ressources humaines, coordinateurs en communication, chercheurs en relations publiques, stratégistes financiers, avocats d’affaires… », fort peu utiles en apparence, étaient peut-être, de fait, inutiles. Que cette inutilité provoque des « dégâts moraux et spirituels profonds ». Que le capitalisme, en gonflant toujours plus les secteurs administratifs (finance, télémarketing, droit des affaires, administrations d’université, etc.), témoigne d’un choix moral et politique : une population heureuse et jouissant de temps libre est un danger mortel. Et « nous sommes devenus une civilisation fondée sur le travail, mais pas le travail « productif » : le travail comme fin et sens en soi ». Attention aux définitions : les « jobs à la con », souvent très bien payés, ne servent à rien. À ne pas confondre avec les « jobs de merde », qui concernent pour la plupart des tâches nécessaires et indiscutablement bénéfiques à la société, mais qui sont mal payés. Comment savoir si un emploi est un bullshit job ? L’auteur n’adopte pas de position normative, mais postule que ce sont ceux qui occupent ces emplois qui sont les mieux placés pour le savoir. Ses thèses, relativement simples, sont largement illustrées par de nombreux témoignages. David Graeber ne propose pas de solution miracle, mais cherche les mouvements populaires anti-job-à-la-con — fort rares, à l’exception de la proposition d’un revenu universel de base. Ce dernier, écrit-il, éviterait de voir le travail comme une marchandise. Il donnerait la liberté de ne pas accepter un job à la con, de consacrer son temps à des activités que nous choisirions, et a fortiori de sortir d’un système dans lequel on s’astreint à faire des tâches débilitantes qui ne servent qu’à maintenir en place celui-ci. Voilà en somme une véritable étude anthropologique d’un système destructeur, tout à fait accessible, à destination de « tous ceux qui préféreraient être utiles à quelque chose ».

Louise Roblin
23 février 2019
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