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Le troisième cerveau Petite phénoménologie du smartphone

Pierre-Marc de Biasi CNRS Éditions, 2018, 268 p., 19 €

En moins de dix ans le smartphone s’est imposé dans la vie de près de trois milliards d’humains – bientôt le double – pour un usage qui oscille entre deux et quatre heures par jour. Naturellement, cela n’est pas sans quelques conséquences, sur lesquelles Pierre-Marc de Biasi (directeur de recherche émérite au CNRS) s’est penché au travers de cette « petite phénoménologie ». Ce « troisième cerveau » – après celui de la boîte crânienne et celui du ventre – a su mettre dans nos poches la puissance d’Internet alliée à celle des réseaux sociaux, et serait en train de prendre le pouvoir au risque d’une fatale aliénation. L’auteur dresse ainsi le constat d’un appareil devenu prolongement de la main, véritable « artefact organique » menaçant notre attention, notre mémoire, notre sommeil, voire notre quotient intellectuel. Et il en explore les enjeux sociétaux qui s’imposent à nous : place de l’Intelligence artificielle, coût écologique, vulnérabilité des données personnelles, pouvoir des géants du numérique, menace sur la souveraineté des États… Tout y passe ! Face au manque de recul et d’études scientifiques, comment faire autrement qu’explorer ces vertigineux bouleversements au prisme de l’expérience vécue ? Ainsi l’auteur dénonce-t-il avec verve les attaques du smartphone contre nos esprits et nos corps, au gré de petits chapitres dressant chacun une nouvelle plaidoirie dans le procès intenté à notre troisième cerveau, disséquant page après page tous les maux causés par ce nouveau « doudou transitionnel ». L’ouvrage fait sûrement œuvre utile, car il est le premier à démontrer l’ampleur et la diversité des risques liés à ce nouveau phénomène qu’est le smartphone. Somnambule « assujetti », shooté à la distraction, aux jeux, au porno, aux gratifications narcissiques, « l’homo smartphonicus » est appelé à la responsabilité individuelle. Pourtant on est en droit de se demander qui est en fin de compte l’accusé. Car pour peu de faire l’effort d’en devenir le maître, le smartphone pourrait bien avoir des vertus : potentiel de sensibilisation et de mobilisation, et même facteur d’émergence d’une « conscience collective » mondiale ! Alors que « l’édification d’un capitalisme global de surveillance » est dénoncée et que la perte de souveraineté est bien identifiée, il semble manquer ici un volet proprement politique : est-ce vraiment à chaque citoyen de s’éduquer seul face aux plus grandes entreprises de tous les temps ? Nos élus ne pourraient-ils pas proposer, protéger, résister ? Des débats importants auxquels nous sommes désormais appelés à prêter attention.

Yves Marry
2 janvier 2019
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