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Pardonner l’irréparable Pour une nouvelle justice

Stéphane Jacquot Salvator, 2018, 164 p., 17 €

Stéphane Jacquot l’annonce d’emblée : son propos est enraciné dans une expérience de résilience. Frappé dès son jeune âge par la mort de ses parents, puis par l’assassinat de la mère de la famille où il avait été accueilli, toute sa vie est orientée par le choix de vivre et de se battre, un combat qui prendra la forme d’engagements associatifs et politiques d’aide aux victimes et aux détenus. Dans cet ouvrage, il fait état de cet engagement et de ceux qui le partagent, avant de donner des pistes pour le renforcer et l’élargir. Adoptant résolument le point de vue des victimes, il invite à un exercice d’empathie : ensemble, victime, auteur et lecteur, nous entreprenons le parcours que fait une victime, depuis l’agression, la rencontre avec la police, le passage devant la justice, la confrontation avec l’agresseur. Ce parcours vise tout à la fois la réparation pour la victime et la réinsertion pour l’agresseur. La police, tout d’abord, aidera la victime d’autant mieux qu’une confiance existe à son égard : pour la restaurer, l’auteur propose ici une série de mesures. La rencontre avec la justice aidera la victime à se relever, à condition qu’une place plus grande soit donnée à la justice réparatrice. Un témoignage en est donné avec la lettre de M. et Mme Chenu, dont le fils a été victime, en 2002, d’un meurtre homophobe : ils écrivent à ses assassins et l’un d’entre eux acceptera un échange, entamant un véritable chemin d’humanisation. Plus largement, Stéphane Jacquot présente, avec justesse et concision, les origines et les développements de cette justice dans le monde. Il précise en particulier le rapport entre justice réparatrice et pardon. Un entretien d’une grande délicatesse, avec l’humoriste Jean-Marie Bigard, témoigne de sa démarche de pardon envers l’assassin de son père. Certes, la justice réparatrice n’est pas le pardon, mais c’est dans le pardon qu’elle puise son orientation ; et le pardon, lorsqu’il est vécu, en accomplit le mouvement. Mais le souci de l’auteur, porté par l’empathie, non plus seulement pour la victime, mais aussi pour l’agresseur en train de vivre sa peine, se porte sur le détenu. Il réfléchit ainsi au sens de cette peine, promouvant de nouvelles alternatives à la prison, et la création d’une agence de travail pour favoriser la réinsertion. Ce parcours reste animé par la conviction qu’il existe pour chacun, victime comme agresseur, une « seconde chance » – ce que l’auteur nomme pardon – afin de rendre la victime actrice de sa reconstruction et l’agresseur de sa réinsertion. Toute la pertinence du propos tient à l’expérience, à la fois personnelle et institutionnelle, de l’auteur, dans l’aide aux victimes et aux détenus. Il embrasse d’un seul regard la victime, l’agresseur et les médiations de leur rencontre. On sera sensible à la justesse de la démarche : prendre le point de vue de la victime, le garder jusqu’au bout de son aventure de reconstruction et, sur le chemin, inclure le parcours de réinsertion de l’agresseur.

Guilhem Causse
31 janvier 2019
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