Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site

L’ère de la victimisation

Michel Messu L’aube, 2018, 224 p., 20 €

 

En 2014, la Revue Projet consacrait un numéro à la question « quel pouvoir ont les victimes ? »… Pour le sociologue Michel Messu, « la victime est […] en passe de devenir la catégorie discriminante majeure de l’appréhension de la place et du rôle que chacun tient au sein de nos sociétés ». S’intéressant, en France, aux discours et représentations des victimes elles-mêmes ainsi qu’aux discours et représentations nourris à leur égard, l’auteur met ainsi à jour ce qu’il appelle la « logique de victimisation ». Celle-ci se déploie en termes de reconnaissance, de traitement (réparation et compensation), et d’exploitation symbolique, notamment du fait « d’entrepreneurs de morale », depuis les groupes de pression constitués jusqu’aux grandes ONG humanitaires. Des lois mémorielles du début des années 2000 aux attentats de 2015, Michel Messu fait de la victime une catégorie de l’analyse sociologique, reconfigurant les identités ainsi que les formes de compréhension et d’action sociopolitiques. Il insiste sur le rôle central joué par l’État et les institutions dans ce processus. Mais il critique aussi certains collègues et courants de sa discipline. Ce qui est notamment en jeu dans la figure de la victime – dont il dresse un historique et une typologie – et dans le « grand récit victimaire » – qui participerait d’une « idéologie victimaire » – est le rapport entre individu et société, notamment en ce qui concerne la responsabilité. Il voit en effet « un déplacement du rapport de responsabilité de l’individu vers le collectif et, in fine, une recomposition de l’ordonnancement même de nos sociétés ». Au-delà, Michel Messu, développant l’idée de « société protectrice » (1 997), avance que nous vivrions en fait dans une « société de confiance », la confiance étant à ses yeux l’un des principes de base de structuration sociétale. Que l’on soit d’accord ou non avec les thèses exposées, on peut convenir d’une chose : la victime est bien un objet sociologique et politique passionnant !

Jean Vettraino
31 décembre 2019
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules