« À l’origine de ce livre, il y a une conviction ». Ainsi commence l’ouvrage de Chantal Mouffe, philosophe qui entend refonder la pensée politique à gauche et apporte ses conseils aux leaders de Podemos, du parti travailliste, de la France Insoumise. Le livre, certes un peu abstrait dont quelques paragraphes sembleront plus ardus, se lit rapidement. Il s’adresse à tous ceux qui à la fois refusent le consensus sur le néolibéralisme et veulent s’opposer à l’ascension des populismes de droite, xénophobes et nationalistes : quel possible quand nombre de partis sociodémocrates européens, « trop intégrés au modèle néolibéral et usés par la recherche des voies de consensus entre le centre droit et le centre gauche », ont perdu leur identité ? Chantal Mouffe répond que c’est en renouant avec le conflit, les passions et les affects que la gauche pourra faire triompher ses valeurs. Elle parle alors de démocratie radicale et plurielle, un cadre qui ne remet pas en cause l’État de droit et les institutions démocratiques mais met en avant une dimension de « conflictualité irréductible, inhérente à toute société ». Il s’agit de laisser place aux conflits où les protagonistes « se reconnaissent bien comme des adversaires, mais ne se considèrent pas pour autant comme des ennemis ». Au cœur de ces conflits, « indécidables sur la base d’une décision rationnelle », les passions et les affects permettent la construction du « nous » politique. Le constat et les questions posés par Chantal Mouffe sont certes incontournables. Pour autant, les réponses, trop souvent esquissées, ne sont pas toujours convaincantes ; ainsi sur l’avenir des nations, l’Europe ou la transition écologique. Enfin, mettre en avant un populisme de gauche, en opposition au « système », ne conduit-il pas in fine à légitimer aussi, voire à renforcer, le populisme de droite ?