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Résistances à l’impôt, attachement à l’État Enquête sur les contribuables français

Alexis Spire Seuil, 2018, 312 p., 22 €

Directeur de recherche au CNRS, Alexis Spire se penche ici sur les rapports des Français à la fiscalité. Son livre, très fouillé, est une enquête sur le consentement à l’impôt. Après avoir montré comment, depuis 1945, la construction de l’État social, selon les termes de Robert Castel, s’est faite autour de la fiscalité, il souligne que l’impôt est un levier essentiel dans la mise en œuvre des politiques publiques. Mais l’impôt est « repolitisé », faisant l’objet de nombreux débats publics. Il a toujours trois fonctions : apporter des ressources à l’État, redistribuer les richesses produites pour réduire ainsi les inégalités, enfin, agir sur les comportements, notamment en matière d’écologie. Mais le consentement à l’impôt est mis à mal quand la classe politique et les milieux d’affaires en dénaturent le sens par leur comportement. Le livre s’articule ainsi autour du rapport à la fiscalité des groupes sociaux salariés et des non-salariés. Tandis que les classes populaires vivent l’impôt comme un symbole d’injustice, les classes moyennes l’acceptent en fonction de la proximité qu’elles ont avec l’État. Elles ont d’ailleurs la possibilité de bénéficier de niches fiscales au fur et à mesure que leur niveau de vie s’élève. Quant aux classes supérieures, elles parviennent, selon l’auteur, à « domestiquer » la contrainte, même si elles considèrent la TVA comme un impôt injuste. Quant aux professions indépendantes, qui sont souvent enclines à hurler contre les fonctionnaires et l’État, elles estiment la fiscalité injuste à leur égard et d’un poids excessif. Les résistances à l’impôt se manifestent par des stratégies à la fois individuelles et collectives, comme récemment celles des « bonnets rouges » en Bretagne. Alexis Spire s’appuie sur de nombreux entretiens, donnant à son livre toute son acuité et son originalité. Il conclut en interrogeant la légitimité de l’État pour les millions de gens qui constatent qu’il y a deux poids, deux mesures dans les dernières lois de finance et qui voient, dans les territoires ruraux, la présence de l’État diminuer fortement. Le niveau des prélèvements obligatoires demeure à un niveau élevé quand l’État social est de moins en moins social et de moins en moins performant. Comment accroître la légitimité de l’impôt ? C’est une des questions transversales de ce livre.

Daniel Rome
7 novembre 2018
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