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Le partage de l'eau. Une réflexion géopolitique

Alexandre Brun et Frédéric Lasserre Odile Jacob, 2018, 204 p., 21,90 €

Dire que l'eau est un bien commun semble une évidence : elle est une richesse qui ne s'épuise pas mais qui circule. Mais les défis sont nombreux : juste partage d'une richesse commune, pollution et gaspillage, privatisation des ressources, projets de barrage et destruction des écosystèmes, stress hydrique, agriculture et élevage, changement climatique et inondations… Reste que la question du partage de l'eau, en particulier celui de l'eau douce, est au centre de grandes tensions entre les nations et les peuples. Comment, dès lors, appréhender le difficile problème des règles juridiques internationales pour régler ces différends ? La notion de « bassin versant » (en topographie, un bassin-versant désigne un bassin dont les eaux se déversent dans un cours d'eau, une retenue d'eau...) est un cadre qui tarde à s'imposer, or Frédéric Lasserre et Alexandre Brun montrent que l'eau, à l'image de la langue ou de la monnaie, tisse une communauté de destin entre des acteurs qui souvent l'ignorent ou la refusent. Mais le droit international demeure flou, car cette communauté de destin va à l'encontre du principe de souveraineté absolue, si cher aux nations dominantes. On pourrait penser que l'eau deviendra la cause majeure de nouvelles guerres, mais on prévoit plutôt des conflits de proximité et de basse intensité, car l'eau n'est pas aussi maîtrisable et accaparable que les minerais. Sa disponibilité et sa qualité dépendent de multiples facteurs humains, écologiques ou géographiques, et cela sur le long terme, et la voie de négociations diplomatiques est souvent à privilégier sur la force armée. Les auteurs analysent les évolutions géopolitiques des acteurs d'un même bassin versant : Égypte, Soudan, Grands Lacs et Éthiopie dans le bassin du Nil ; Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan autour de la mer d'Aral ; les États du Nevada, d'Arizona, du Colorado et de la Californie pour le partage des eaux du Colorado. Un dernier chapitre particulièrement inspirant décrit la reconquête par les villes de leur « front d'eau ». À Séoul, Québec, Marseille ou Paris, la renaturation des cours d'eau citadins symbolise l'émergence de villes plus écologiques, ce qui souligne la force politique que peut entraîner une bonne et saine gestion de l'eau. Agréable à lire, ce livre est bien documenté. Comme le souligne la dédicace d'ouverture, les auteurs entendent faire preuve de pédagogie pour que le monde de demain ne souffre pas d’un stress hydrique sévère, mais qu’il soit irrigué par cette richesse commune : l'eau.

Marcel Rémon
6 novembre 2018
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