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Pourquoi les riches votent à gauche

Thomas Frank Agone, 2018, 456 p., 25 €

En l’espace d’une vingtaine d’années, la vie politique occidentale a connu un curieux basculement. La gauche, représentante traditionnelle des classes modestes, séduit de plus en plus les cadres, les intellectuels et les classes supérieures par une politique définie comme sociale-libérale. Dans une même dynamique, les classes modestes se détournent progressivement des partis de gauche et votent soit majoritairement pour des partis de droite conservatrice et radicale, soit s’abstiennent. Ce basculement progressif nous fait assister à des événements politiques particulièrement inattendus : l’élection de Trump, le Brexit, la prise de pouvoir par la Ligue du Nord et le M5S en Italie… Fin observateur de la vie politique américaine, Thomas Frank analyse dans ce livre les décennies qui ont conduit à ce basculement aux États-Unis, des années 1980 à l’élection de Donald Trump. L’auteur met en exergue la responsabilité des dirigeants démocrates dans ce bouleversement politique. De Carter à Obama en passant par le couple Clinton, il étudie la volte-face progressive du parti démocrate concernant le libre-échange, l’aide aux plus démunis, la régulation du secteur bancaire… Il met également en évidence la concentration des pouvoirs dans un milieu social de plus en plus réduit, dont celui des banquiers et des avocats d’affaires, issus des plus prestigieuses universités américaines. Il montre les limites de ce système, tant d’un point de vue social, dénonçant le mépris pour les classes moyennes et populaires, que d’un point de vue intellectuel, mettant en cause la fermeture d’esprit, les contradictions et l’incapacité à appréhender les grands enjeux qui traversent la société. Thomas Frank est lui-même un démocrate convaincu, ce qui fait la force et la faiblesse de son livre. On sent, au fil des pages, à quel point le changement de ligne politique de son parti (son désintérêt progressif pour les milieux populaires en particulier) le décontenance. Néanmoins, la connaissance qu’il a du milieu politique américain enrichit et consolide son propos, le rendant stimulant et dérangeant. Finalement, de quelle politique voulons-nous ?

Matthieu Cassou-Mounat
8 octobre 2018
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