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L’habiter, un impensé de la politique de la ville

Barbara Allen et Michel Bonetti L’Aube, 2018, 352 p., 24 €

Les politiques de la ville ont connu quelques réussites depuis une trentaine d’années, mais elles ont aussi débouché sur des impasses. En grande partie à cause du caractère souvent abstrait de ces politiques, qui manifestent des intentions globales peu évaluées quant à leurs effets : des catégories d’action et des modes opératoires les façonnent sans que le rapport aux situations locales et, surtout, aux perceptions des habitants soit réellement pris en compte. Barbara Allen et Michel Bonetti évaluent ces politiques de manière critique et nuancée et mettent en avant comme raison principale de leur déficit l’effacement des situations des quartiers. Ils invitent à ne pas faire l’impasse sur l’alchimie qui fait de chaque quartier la résultante toujours spécifique d’une rencontre entre des ménages et un territoire, un lieu façonné par l’histoire, par son environnement comme par l’action des institutions. Les enquêtes menées dans une quinzaine de quartiers et dans quelques villes nouvelles mettent en évidence combien l’habitat est un vecteur d’intégration sociale. Et pour cela, il convient de mieux comprendre ce que signifie « habiter ». « Loger », qui recourt à une dimension descriptive, fonctionnelle, n’est pas « habiter », qui renvoie à des dimensions imaginaires et symboliques. Selon les quartiers et leurs habitants – et pas seulement les conditions socio-économiques de ceux-ci –, leur histoire, leur position spatiale, les liens avec l’environnement plus large de la ville, habiter se traduit par divers modes d’investissement : on peut distinguer le type « attachement », les types « rejet et refus » de l’habitat, les types « retrait-repli » sur le logement, le type « investissement impossible ». C’est par ces modes de relation au quartier qu’est négociée la possibilité de vivre dans un lieu qui accueille l’intime et l’ouverture à autrui. Autrui, les autres, question centrale, car habiter inclut de vivre des relations, ce que négligent trop souvent les politiques de la ville. Les sentiments vis-à-vis des autres comme les relations avec eux jouent un grand rôle dans la perception du quartier. Les autres, que l’on rencontre dans les espaces du quartier, mais aussi dans les autres lieux que l’on fréquente et qui deviennent eux aussi facteurs de la qualité de l’habitat : ce qui entoure le quartier et la manière dont ces lieux lui sont reliés construisent le potentiel propre de l’environnement du quartier. Enfin, le facteur temps est de poids : la durée de la présence, la structure des durées d’installation des habitants dans le quartier, l’évolution des conditions socio-économiques dans le temps ont un impact sur les manières d’habiter. L’analyse de grande qualité de l’habiter que proposent Barbara Allen et Michel Bonetti se déploie dans la première partie de l’ouvrage et ouvre vers une seconde partie qui traite du renouvellement du sens de l’action publique, pour que l’habiter ne soit pas un impensé de la politique de la ville.

Jean-Marie Carrière
24 octobre 2018
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