Un livre puissant, suggestif, dont le titre dit clairement le propos. Les découvertes de l’anthropologie fondamentale contraignent la théologie à renouveler ses interprétations des textes révélés. Ainsi, tous les Évangiles et une partie de l’Ancien Testament peuvent être lus avec René Girard comme le dévoilement et la dénonciation, unique dans l’histoire de l’humanité, du processus fondateur de toute société : la violence du désir mimétique soudant une communauté par le meurtre d’un bouc émissaire. La culture ne peut qu’inventer des mythes destinés à dissimuler cette violence ou à la justifier. Selon René Girard, toute culture est donc par essence un mensonge régulant la violence ; avec le christianisme, ce secret est déconstruit et porté au jour (déjà avec les psaumes, surtout Isaïe), car le grand récit qui le constitue raconte cette scène violente fondatrice du point de vue de la victime sacrifiée, renvoyant ainsi tout sacrifice, toute idolâtrie, à l’ineffectivité. Mais ce livre dit encore bien autre chose. Il décrit le choc en retour de la foi chrétienne sur la théorie girardienne. Car il y a dans le catholicisme de René Girard un conservatisme et un pessimisme lié au fait que le christianisme a la capacité de délégitimer les processus de régulation de la violence existants, faisant courir le risque que la violence ne se contrôle plus et conduise à l’apocalypse. Mais, dit Bernard Perret, avec quelques théologiens comme Raymund Schwager et surtout James Alison, il est possible, sur la base des mêmes intuitions, de proposer une tout autre espérance : l’ouverture exaltante vers la compréhension d’un Dieu sans aucune violence – si ce n’est celle que les hommes lui prêtent pour échapper à la leur. Alors une mutation de l’imaginaire profond peut opérer en chacun la possibilité d’inventer un vivre-ensemble interpersonnel, ecclésial, politique et écologique sous la conduite de la foi, définie par James Alison comme « une disposition habituelle à être emmené ailleurs et plus loin ».
25 septembre 2018