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Petit manuel de résistance contemporaine

Cyril Dion Actes sud, 2018, 140 p., 15 €

Comme de nombreux militants, Cyril Dion butte sur un constat qu’il nous confie dès l’introduction de son essai : « Globalement, nous, écologistes, ne parvenons pas à faire passer notre message. Du moins pas suffisamment. » Cela paraîtra paradoxal de la part de celui à qui nous devons Demain, le documentaire co-réalisé avec l’actrice Mélanie Laurent, qui a attiré plus d’un million de spectateurs dans les salles obscures. Mais son regard reste lucide sur la situation de l’humanité face à la crise que nous traversons. Une lucidité extrême qui se manifeste dès le premier chapitre : « C’est pire que ce que vous croyez. » Loin de l’esprit « feel good » de Demain, Cyril Dion décline froidement nombre d’études scientifiques laissant penser qu’un effondrement de notre civilisation est proche, voire déjà en cours : libération probable dans l’atmosphère de milliards de tonnes de carbone emprisonnées par le permafrost (cette couche de glace en train de fondre qui recouvre 20 % de la planète), réapparition de virus enfermés dans les glaces depuis bien avant l’arrivée de l’humanité, rupture de la chaîne alimentaire… Si ce chapitre risque de décourager, il donne tout son sens à l’ensemble de l’ouvrage, en inscrivant les propos de Cyril Dion dans une urgence inévitable. Toute sa réponse se cristallise autour de la notion de récit. Si la dichotomie action individuelle ou action collective, qui divise de nombreux écologistes, est à dépasser selon lui, c’est au profit d’une autre question : « Dans quels récits collectifs nos actions s’inscrivent-elles, aussi petites soient-elles ? » C’est bien vers la construction d’un nouveau récit collectif que Cyril Dion veut nous mener au fil des pages, appelant à combattre ces « architectures invisibles » qui nous empêchent d’agir : celle, par exemple, d’une société où l’objectif premier est de gagner sa vie en vue de se divertir pour oublier que nous n’avons pas de poids sur des lois décidées au profit des plus puissants. C’est un appel à mener une bataille culturelle, loin de la fable du colibri, et pour laquelle l’auteur propose des méthodes d’action qu’on pourrait aussi bien trouver dans les milieux de l’action collective ou du community organizing. Un nouveau récit qui devient un cadre où chaque personne pourra agir par elle-même, entre coopération, altruisme et quête de sens. Avec ce « petit manuel », Cyril Dion réussit à transformer le sentiment d’impuissance qui peut nous habiter en un désir d’engagement collectif. Une belle définition de la « résistance contemporaine ».

Martin Monti-Lalaubie
5 octobre 2018
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