Le travail, au-delà de l'évaluation. Normes et résistances
Damien Collard Érès, 2018, 272 p., 16,5 €Damien Collard, maître de conférences à l’Université de Franche-Comté et membre du Centre de recherche en gestion des organisations à l’Université de Bourgogne, plonge « au centre des organisations » professionnelles. Il refait surface en décrivant le carcan que constitue l’ensemble de nouvelles normes qui visent toutes le même objectif : la poursuite de l’efficacité et de la performance. Avec les mêmes conséquences : souffrance au travail, fragilisation du lien social au sein des organisations, mais aussi actions de résistance. L’enquête est menée au sein de trois milieux professionnels différents, mais cantonnés au secteur public : agents SNCF en gare, enseignants chercheurs et agents d’accueil en préfecture. Elle manifeste un « déni de travail », quand les mécanismes d’évaluation conduisent à ne prendre en compte que la « performance » et non le « travail réel » de la personne. Ainsi, l’auteur montre à quel point les « agents d’ambiance » SNCF présents dans les gares ont une implication personnelle forte dans leur métier, utilisant des stratégies complexes pour mener à bien leur mission (floue) de « contribuer à restaurer un climat de confiance dans les gares ». « Le rire et l’humour » jouent un « rôle très important » dans le contact entre ces agents et les « publics sensibles » rencontrés à la gare d’Évry-Courcouronnes par exemple. Or la rigidité tant des « normes de service » que des modalités d’évaluation utilisées de la part de la SNCF conduit à « sous-évaluer leur contribution au maintien de la sûreté dans les gares » et à nier « leur travail collectif ». À l’inverse, les normes pourraient « être mises en place pour faciliter le travail des salariés » dans « certaines situations ». C’est le cas notamment des démarches de « prévention des risques psycho-sociaux ». Las, Damien Collard constate « l’échec cuisant » de la mise en œuvre d’un tel plan dans une préfecture pour les salariés les plus exposés : les agents de guichet. Un échec à mettre sur le dos d’une conduite trop « top-down » et « incohérente ». Dépassant son rôle d’observateur, l’auteur avance plusieurs pistes pour repenser la question des normes et de l’évaluation. Il invite à déconstruire les outils existants et à inventer des « indicateurs alternatifs » sur le modèle des chercheurs militants qui proposent des alternatives au produit intérieur brut à propos de la mesure des richesses produites.
25 septembre 2018