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L’âge des migrations

Hervé Le Bras Éditions Autrement, 2017, 160 p., 17,90 €

Le fameux mot de « misère » employé par Michel Rocard ou le non moins fameux « l’Africain » de Nicolas Sarkozy ne sont pas du tout représentatifs de l’immigration actuelle. Dans la globalisation, le niveau de l’éducation progresse, mais non l’emploi : alors on émigre, si tant est que l’on dispose des moyens nécessaires, ce qui est souvent le cas. Pour recadrer nos idées sur les migrants et la manière dont les migrations sont perçues et racontées, Hervé Le Bras se propose de décrire ce qu’elles sont aujourd’hui. L’âge des migrations offre « angles et reliefs » (selon le titre de la collection), illustrés par une trentaine de figures ou de cartes. Un regard sur l’histoire des deux derniers siècles montre combien la logique de la migration a changé. Finis les déplacements de proximité, les migrations sont maintenant à longue distance et les migrants se font désormais concurrence entre eux. Une analyse du désir de migrer fait apparaître que ce n’est pas tant l’écart de revenu, entre le pays de départ et le pays d’accueil, mais bien plutôt le désir de migration qui explique la variété des migrations. Avec des sentiments mêlés, désirs au départ, mais peurs à l’arrivée : « Le désir de progresser dans la direction du monde en se dirigeant vers les États les plus cotés se mêle à la peur que ceux qui arrivent des États les moins cotés dégradent la position du pays. » Cela se vérifie aussi avec les migrations étudiantes, révélatrices d’un monde extrêmement polarisé ; l’impérialisme colonial a cédé la place à l’impérialisme culturel. Après un chapitre sur les réfugiés « climatiques », L’âge des migrations s’interroge sur la croissance de la population française : comment dépend-elle des migrations ? Enfin, la partie « les mots contre les chiffres » rappelle que les chiffres lancés dans les débats sont trop souvent sans rapport avec les statistiques disponibles de l’État ; mais, lorsqu’ils sont inscrits dans un paysage sémantique construit, ils préparent le terrain pour une dévalorisation des personnes concernées. En matière de migrations, toute une partie de l’opinion publique reste fixée sur les situations des années 1960, et c’est elle qui réclame des barrières et du contrôle. Mais une autre partie comprend que la mondialisation est en cours, que l’émigration est et restera forte, que surgit sous nos yeux un nouvel ordre mondial, celui des compétences, bien plus que celui du niveau économique.

Jean-Marie Carrière
15 février 2018
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