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Dictionnaire des idées reçues de l’aide au développement

Christophe Courtin Golias éditions, 2015, 200 p., 14 €

Christophe Courtin est un « développeur » : il connait bien les présupposés théoriques, les acteurs, les règles et les pratiques du monde de l’aide au développement, qu’il fréquente depuis des années. Dans son Dictionnaire des idées reçues de l’aide au développement, il recense les termes utilisés au quotidien et présente les lieux communs qui y sont attachés : ce que les développeurs considèrent qu’il « faut » penser et ne pas penser sur un sujet, ce qu’il « faut » faire et ne pas faire dans telle situation, ce qu’ils décrient ou valorisent, sanctionnent ou recherchent. Pour chaque terme recensé, il présente l’idée reçue identifiée, propose parfois un commentaire ou une réaction personnelle et en décline l’étymologie, parfois en contraste avec le caractère subjectif de son emploi. J’ai ouvert ce dictionnaire avec le regard intéressé et impatient d’une « développeuse » (une autre), curieuse de réflexions critiques sur ce monde complexe qui pose de lourdes questions de valeurs et de positionnement. J’ai ri et j’ai souri à cette lecture et j’ai refermé le livre l’impression d’avoir pris une bouffée d’air et la tristesse du diagnostic qui en ressort. Le système de renvoi des termes les uns aux autres incite à se promener de façon ludique dans le dictionnaire. La confrontation de l’idée reçue avec la réaction de l’auteur et avec l’étymologie du terme souligne le décalage entre le prêt-à-penser dogmatique et les réalités. Dans la tradition du Dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert et de l’Exégèse des lieux communs de Léon Bloy, le style pamphlétaire entend faire ressortir davantage des constats déjà posés par d’autres dans des formats plus lisses. Bien sûr, ce petit livre incisif et chamboule-tout a le défaut de ses qualités. La caricature permet sans doute de tirer une sonnette d’alarme, mais elle ne laisse guère de place à une approche de certains points essentiels de la pensée du monde en développement. Ainsi, le terme « développement » est présenté uniquement comme le gagne-pain des développeurs (l’institution devrait disparaître une fois l’objectif atteint), sans plus de regard sur ce que le concept représente. Ce dictionnaire fera-t-il changer les choses de l’intérieur, comme semble l’appeler de ses vœux Christophe Courtin ? Sera-t-il un électrochoc pour des acteurs trop peu critiques ? Les fera-t-il réfléchir ou même se taire ? « Parvenir enfin au silence de l’expert en développement, quel rêve ! » Il alimentera certainement ceux d’entre eux qui sont critiques en pensée, mais pas encore en action.

Julie Baron
6 décembre 2017
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