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Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.

Vers un monde néo-national ? Entretiens avec Gaïdz Minassian

Bertrand Badie et Michel Foucher CNRS éditions, 2017, 206 p., 20 €

L’auteur de La fin des territoires (Bertrand Badie) et celui du Retour des frontières (Michel Foucher) se livrent ici à un dialogue sur l’état des relations internationales. Dialogue constructif, chacun exposant avec conviction son point de vue, structuré autour de quatre thèmes : territoire et frontières, politique(s) étrangère(s), nouvelles conflictualités, gouvernance mondiale. Deux écoles, deux sensibilités différentes s’expriment, souvent complémentaires. Michel Foucher insiste sur les singularités nationales et met en garde contre une lecture synchronique des évolutions actuelles. Il est particulièrement attentif aux différentes échelles territoriales – soulignant notamment que « sans ordres régionaux, nous ne pourrons pas construire un ordre international ». En diplomate, il prône un rôle international accru d’une Europe qui serait à la fois plus soucieuse de ses intérêts propres et puissance d’équilibre. Bertrand Badie s’attarde davantage sur les effets globaux de la mondialisation et la « crise protéiforme de l’altérité », dans un monde où la réaffirmation de la souveraineté nationale masque une interdépendance et une intersocialité toujours croissantes. Les points d’accord ne manquent pas, particulièrement sur l’importance d’un multilatéralisme en crise profonde, sur la fin du messianisme occidental, sur une lecture du monde qui ne peut se réduire à l’économie. Au-delà de désaccords ponctuels, le principal différend tourne autour du couple néo-national - néo-nationalisme. Pour le politiste B. Badie, qui n’hésite pas à parler de « pathologie », le néo-nationalisme s’est emparé des politiques étrangères – repli et crispation identitaire l’emportent sur le projet initial des nationalismes du XIXe siècle de construire une communauté politique fondée sur des droits. Pour le géographe M. Foucher, le néo-nationalisme dépend surtout des scènes politiques intérieures ; il distingue plutôt un essor néo-national, les nations mettant leurs ressources matérielles au service d’un projet de puissance dans un monde multipolaire et conflictuel.

Jean Vettraino
17 novembre 2017
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