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Gouverner la décroissance. Politiques de l’Anthropocène III

Agnès Sinaï et Mathile Szuba (dir.) Presses de Sciences Po, 2017, 232p., 14€

Ce livre passionnant, à valeur prospective tout autant que programmatique, propose un certain nombre de « politiques de transition », destinées à permettre à l’économie de basculer progressivement vers un état écologiquement et socialement viable. Car l’effondrement programmé, s’il n’est accompagné d’une transition raisonnée, produira un état d’anomie sociale dominé par la peur, la faim, la libido. La seule solution consiste à « gouverner la transition », par des politiques qui reposeront sur un nouveau contrat social. Christian Arnsperger et Dominique Bourg proposent de distinguer trois types d’activités sur lesquelles faire reposer un mouvement de bascule progressif : aux activités à très haute valeur technologique à forte productivité (d’hypercompétivité) serait appliquée une taxe qui permettrait de financer un secteur intermédiaire dit « standard sécurisé », relevant de l’Économie Sociale et Solidaire qui s’inscrirait dans une trajectoire d’écologisation, et enfin un secteur « expérimental » (fermes et maraîchages en permaculture, agroécologie, ateliers de fabrication numérique de proximité, activités au bénéfice de la biodiversité, etc...). Les individus œuvrant dans les secteurs « hyper compétitifs » et « standard sécurisés » verraient leurs revenus ponctionnés afin de subventionner et de soutenir le secteur expérimental – ce dernier étant vu et reconnu comme le telos ou l’horizon ultime vers lequel l’ensemble de l’économie devrait, à terme mais selon des temporalités et rythmes divers, converger. Ces politiques de transition impliqueraient également de restituer à la monnaie sa qualité de « bien public », et de développer tout à la fois les monnaies complémentaires et locales d’une part, et une nouvelle monnaie d’échange international dont le taux de conversion et les conditions d’émission seraient fixés non plus en fonction d’un rendement escompté, dépendant d’hypothèses de croissance désormais insoutenables, mais sur la foi d’une empreinte écologique maximale autorisée, calculée au niveau mondial, et répartie pour chaque pays et chaque économie. Il s’agirait là en somme d’une extension au domaine de la création monétaire, du principe d’une taxe carbone universelle. D’autres solutions sont également évoquées, comme le rationnement de l’énergie et le biorégionalisme (détermination des principes régissant les productions et les échanges à l’échelle d’une biorégion), qui s’inspirent d’expériences réelles. Les auteurs consacrent d’amples développements à la question du rapport entre la contrainte qu’impose toute politique de transition et la notion de liberté. Les « libertés d’option », qui fournissent le socle de l’économie de marché, sont ici appelées à être remplacées par une liberté de délibération collective et par une plus grande autonomie des individus vis-à-vis des formes d’aliénation à la base du système capitaliste. Ces nouvelles libertés ne pourront être organisées, et les individus n’en feront concrètement l’expérience, qu’à des échelons locaux dont l’imbrication doit être également pensée en ayant recours au principe de subsidiarité.

Xavier Ricard Lanata
27 août 2017
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