Portes et murs est un ouvrage universitaire sur la place du religieux dans la sphère publique. Astrid Von Busekist, professeure de théorie politique à Sciences Po, utilise et analyse le concept d'eruv, mur symbolique qui permet de privatiser une partie de l'espace public et de respecter les interdits du shabbat à l'extérieur du foyer. A Montréal ou New York, où se concentrent géographiquement des communautés juives orthodoxes, l'eruv se matérialise par des fils tendus entre les poteaux des carrefours. Cette démarcation, réelle ou imaginée, questionne sur la place de la religion dans l'espace public, particulièrement dans les sociétés libérales ou républicaines : « l'individualisme démocratique est mal armé pour intégrer des communautés de natures diverses ». Le livre s'organise en trois chapitres. Le premier envisage l'eruv comme pont et porte, symbole à la fois d'ouverture et de fermeture, limite du dedans traditionnel et du dehors moderne. Le second réfléchit sur lui en tant qu'expression de la loi religieuse mais aussi comme le socle d'une négociation d'un espace de tolérance au cœur de la société régie par une loi différente. Le dernier chapitre pense l'eruv comme une frontière territoriale, un poste de la souveraineté religieuse dans un espace délimité. Les réflexions de philosophie politique intéresseront le plus grand nombre. Mais, le titre peut paraître trompeur, car l'auteure livre moins une réflexion sur l'idée de frontière qu'une lecture de la confrontation entre pratique cultuelle et neutralité de l'espace public dans les pays occidentaux. Si les développements sur les différentes formes d'acceptation du judaïsme orthodoxe dans les sociétés nord-américaines sont intéressants en permettant de décentrer le regard et de sortir du cadre français, le reste du livre s'avère austère pour un lecteur profane.