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La société malade de l’hyperconsommation

Philippe Moati Odile Jacob, 2016, 256 p., 22,90 €

« Nos comportements de consommateurs ont progressivement débordé du champ de la consommation au sens strict. » Aussi la figure du consommateur tend-elle « à prendre le pas sur les autres dimensions de l’individu », la consommation se hissant au rang de « méta-valeur » de nos sociétés. Si le constat est dur et la tonalité  pessimiste, Philippe Moati, professeur d’économie et cofondateur de l’Observatoire société et consommation, ne signe pas là un pamphlet. Ce n’est pas la consommation en soi qui est condamnée – il rappelle qu’elle contribue nettement au bonheur et au confort des individus –, mais ses excès et les ravages écologiques, sociaux et psychologiques auxquels ils peuvent mener et le fait que, sous ses promesses d’autonomie et de bonheur, elle dépossède les individus de leur pouvoir d’agir et de leur libre arbitre. L’auteur rappelle aussi qu’elle n’est qu’un des nombreux facteurs qui meuvent nos sociétés et qu’elle ne peut être chargée de tous les maux. Comment, dès lors, parvenir à une « ‘bonne consommation’ au service d’une ‘vie bonne’ » ? La voie est étroite. Philippe Moati montre, par exemple, que la consommation collaborative est d’abord motivée par des raisons matérielles et que la plupart des pratiques qui en relèvent ont été récupérées par des entreprises s’inscrivant dans une logique purement capitaliste. Car nous demeurons abasourdis par « la formidable capacité du capitalisme à souffler en continu sur les braises du désir d’acheter et à étendre régulièrement le territoire de la marchandisation » : tous médias confondus, nous serions quotidiennement exposés à plus d’un millier de messages publicitaires, on dénombre en France plus de 160 000 sites marchands actifs… et les jeunes sont particulièrement exposés. Et l’auteur de souligner ce paradoxe : la capacité d’assouvir ces désirs est, pour une partie conséquente de la population, mise à mal par le ralentissement tendanciel de la croissance du pouvoir d’achat et l’explosion des inégalités. Les frustrations engendrent un profond malaise, voire de la violence (et un recours aux antidépresseurs, dont la consommation a augmenté de 80% en dix ans dans les pays de l’OCDE…). En fait, la consommation vient nourrir un vide (de sens) individuel et collectif qu’elle contribue à créer. Vide où les fondamentalismes de tous ordres s’engouffreraient. C’est leur progression qui, finalement a motivé l’écriture de ce livre intéressant et sincère.

Jean Vettraino
10 novembre 2016
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