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Les gauches du XXIe siècle. Un dialogue Nord-Sud

Jean-Louis Laville et José Luis Coraggio (dir.) Le bord de l’eau, 2016, 490 p., 24 €

Le livre édité par Jean-Louis Laville et José Luis Coraggio rassemble les contributions d’intellectuels et militants (surtout européens et sud-américains). Comme l’indique le titre, le tout est de faire apparaître, par la juxtaposition des points de vue, des lignes de convergence entre les gauches contemporaines. L’ouvrage est structuré en trois parties : la première rassemble les auteurs sud-américains, la seconde les européens, la troisième des représentants de divers continents (Amérique du Nord, Afrique, Asie…). En dépit des différences de situation et de trajectoires historiques, tous plaident pour un renouvellement de la doctrine des gauches, à la lumière de deux phénomènes majeurs : la crise écologique et l’échec des gauches de gouvernement (quelles que soient leurs formes) à rétablir un projet politique crédible poursuivant les objectifs de justice sociale et d’égalité effective. Ce renouvellement doit, pour la plupart, prendre la forme d’une rupture, ou du moins d’une combinatoire, avec les formes institutionnelles de la social-démocratie, trop compromises avec le capitalisme et ses apories actuelles. Il s’agirait de stimuler la composante associationiste, trop longtemps ignorée par les courants majoritaires de la gauche (rattachés au marxisme et à ses diverses traductions politiques : socialisme, léninisme, trotskisme, etc.) alors qu’elle fut historiquement première et reposait sur une véritable « agence » ouvrière. Cette composante, incarnée aujourd’hui par des mouvements et des organisations se réclamant de « l’économie sociale et solidaire » ou « économie plurielle », porteuse de valeurs de solidarité et de démocratie directe, soucieuse d’autonomie très imprégnée par les courants de l’écologie politique post-marxiste (Illich, Gorz…) manifeste une nouvelle vigueur, notamment en Amérique latine. La forme que pourraient prendre des politiques qui s’en inspirent demeure cependant très floue. L’échec des gouvernements « nationaux-populaires » en Amérique latine (Bolivie, équateur, Venezuela, Argentine), incapables de modifier la « matrice productive » et d’abandonner ce que les gauches sud-américaines nomment « l’extractivisme » (hérité des entreprises coloniales), laisse perplexe. Dans le contexte de la mondialisation contemporaine, les initiatives isolées se heurtent à des forces hostiles considérables : elles ont besoin à tout le moins de coordinations régionales. Il leur faut aussi une très forte composante de participation populaire, qui requiert des innovations institutionnelles (démocratie directe, jurys citoyens, décentralisation et « territorialisation » des politiques publiques) tout autant qu’un changement culturel profond : rien de moins que le renoncement à la « colonialité du pouvoir » selon les termes d’Anibal Quijano, autrement dit à la promesse de domination recelée par la modernité. Les expérimentations sociales de l’économie sociale et solidaire et des mouvements sociaux sont, pour Laville et Coraggio, autant de forges où se préparent de nouvelles formes de vivre-ensemble, interculturelles, solidaires et écologistes et post-capitalistes, que les gauches de gouvernements doivent encourager par des politiques, graduelles certes.

Xavier Ricard Lanata
29 novembre 2016
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