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L’homme inutile. Du bon usage de l’économie

Pierre-Noël Giraud Odile Jacob, 2015, 400 p., 23,90 €

Cet essai, inspiré notamment des travaux d’Amartya Sen, nous confronte à la pire des inégalités : l’inutilité. Un chapitre est consacré à circonscrire cette notion : les gens, enfermés dans des trappes, sans possibilité d’évolution, économiquement inutiles aux autres, deviennent inutiles à eux-mêmes. « C’est par elle que devrait commencer toute politique économique ». Il s’agit dès lors de faire de son éradication une norme « minimale » (elle ne toucherait pas, dans un premier temps, aux inégalités internes de revenu par exemple) absolument prioritaire. C’est bien d’abord en tant qu’économiste que Pierre-Noël Giraud le propose, soucieux d’un « bon usage » de sa discipline, c’est-à-dire attaché à une analyse spécifique et empirique des situations réelles des personnes, refusant les « faux débats », à commencer celui portant sur la croissance. Il démontre l’absurdité économique de l’inutilité et pense cette dernière par rapport au modèle des emplois sédentaires et nomades, présents dans tout territoire, qu’il a théorisé : les « hommes inutiles » apparaissent dans les « soutes » des emplois sédentaires. En revanche, les incursions de l’auteur du côté de la démographie et de l’écologie sont peut-être plus hasardeuses. Qu’importe. Car le propos est ici, in fine, politique. La globalisation et la financiarisation ont en effet accru « l’errance de la conflictualité économique » (autour de la répartition primaire des revenus du capital et du travail), ouvrant la voie à d’autres conflits, de type identitaire, menaçant sérieusement nos pays de « guerre civile ». Éradiquer l’inutilité reviendrait ainsi à « œuvrer pour la paix civile ». C’est pourquoi les deux derniers chapitres du livre ouvrent sur des considérations et des préconisations plus directement politiques. Retrouver une réelle autonomie, par rapport aux différentes formes de globalisation, étatique ou interétatique (au niveau européen en particulier), apparaît comme un préalable indispensable.

Jean Vettraino
7 juillet 2016
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