La « Grande Entreprise » est bien sûr de très grande taille, cotée en bourse et transnationale. Mais si elle « ne se confond nullement avec l’entreprise en général » et s’écrit avec deux majuscules, c’est parce qu’elle exerce « une puissance d’action considérable sur le monde ». Gigantesque communauté de travail, elle est aussi un creuset de nouvelles réalités collectives, qui – débordant largement de son sein – vont jusqu’à façonner la vie des individus. Bref, leur statut d’acteur économique cache mal qu’une grande partie du pouvoir des Grandes Entreprises est de nature extra-économique. Olivier Basso, professeur associé au Conservatoire national des arts et métiers et dirigeant d’Aden Executives, le démontre avec beaucoup de clarté et de force. Il s’interroge dès lors sur ce qui pourrait leur conférer une légitimité proprement politique. Celle-ci ne pourra venir que de « la qualité de [leur] pratique de la démocratie ». Après avoir analysé les implications d’une telle question, l’auteur propose trois dispositions concrètes auxquelles pourraient s’assigner les Grandes Entreprises : affirmer le projet industriel ; rendre le PDG redevable devant les employés ; sécuriser le développement de l’entreprise. Ces dispositions permettraient de circonvenir une idéologie financière qui renforce la « souveraineté de l’actionnaire » et veut que chaque salarié contribue avant tout à la création de valeur pour les actionnaires. Elles viendraient compléter les mesures liées à la responsabilité sociétale de l’entreprise que l’auteur juge à même de faire progresser la démocratie au sein de ces entités géantes. Quant à leur légitimité externe, il s’agirait de les constituer en sujet de droit international. Ces deux aspects – constitution démocratique interne et acteur international assumé – sont liés, et indispensables, selon l’auteur, pour s’assurer que ces entités participent d’un monde plus juste et plus prospère.