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Les irremplaçables

Cynthia Fleury Gallimard, 224 p., 16,90€

« Les affres de l’individualisme sont bien connues. Sans doute avons-nous oublié qu’il n’est pas assimilable à l’individuation, mais qu’il n’en est qu’une version abâtardie. Sans doute avons-nous également oublié la part majeure que cette individuation apporte à la préservation de l’État de droit. » Cette proposition est au cœur d’un essai, indissociablement éthique et politique, entre philosophie, psychanalyse et littérature (de la mythologie grecque à Orwell). Il illustre par l’exemple l’importance du langage et de la verbalisation dans notre rencontre avec le « Réel ». Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, reprend et approfondit ici des réflexions exposées dans ses ouvrages précédents (La fin du courage, Pretium doloris). Elle expose d’abord ce qu’elle entend par individuation, construite autour du « Connais-toi toi-même » delphique. L’enjeu central est bien relationnel. Une présence vraie à soi – comme il existe une imagination « vraie » qui nous permet d’accéder au réel – va de pair avec une présence aux autres et au monde ; le souci de soi et celui des autres ne s’opposent pas nécessairement, ils peuvent au contraire se renforcer. D’où la critique des formes contemporaines du capitalisme qui capte « plus encore que les richesses, l’attention des individus » et détourne du long et fragile travail de conscientisation. Si « la remplaçabilité commence là où l’individu n’est plus susceptible de traduire son expérience vécue », « l’aventure de l’irremplaçabilité » est également collective. Elle l’est par exemple dans les formes d’organisation du travail, dans la notion d’autorité ou dans celle de biens inappropriables (liée à celle des « commons »). Certains passages, comme celui sur la vis comica, la « force comique », sont particulièrement brillants ; d’autres – comme celui sur « les formes de l’absence de pensée » ou celui sur la dette sur lequel s’achève abruptement l’ouvrage – sont moins convaincants. On peine de même à saisir le caractère proprement contemporain de l’« idole-pouvoir » dénoncée par l’auteure.

Jean Vettraino
26 novembre 2015
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