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Sociologie de la prostitution

Lilian Mathieu La Découverte, coll. Repères, 2015,128 p., 10€

Le phénomène prostitutionnel est beaucoup plus complexe qu’un simple échange tarifé entre prostitué(e)s, clients et proxénètes. C’est d’abord une « pratique » qui concerne différents acteurs et une « déviance » qui atteint le corps social et nécessite donc un encadrement juridique. Prohibitionnisme, réglementarisme, abolitionnisme : voici les trois réponses possibles face à la prostitution. Jusqu’au XIXe siècle, la classe politique est restée muette sur le sujet, la prostitution étant considérée comme un mal nécessaire à l’ordre bourgeois. Son apparition dans l’espace public, vue comme un outrage aux bonnes mœurs, et l’apparition de l’hygiénisme ont conduit à un contrôle strict à la fois médical et policier. Ce fut la création des maisons closes (prostitution cachée qui ne « menace »  donc pas l’ordre public) et « l’encartage ». Le réglementarisme a été une première forme de stigmatisation d’une classe « dangereuse », « vicieuse », dont il est désormais impossible de sortir. Mais l’accent mis sur une déviance des classes les plus pauvres, à rééduquer, voit l’apparition, en Angleterre, de l’abolitionnisme, à l’instigation de petits bourgeois protestants et puritains. Celui-ci aboutit en France à la loi « Marthe Richard » de 1946, soutenue par les mouvements catholiques issus de la Résistance, qui ne sera abolie qu’en 1960. La prostituée devient une victime infantile qu’il faut aider. Des associations se créent, comme le Nid, d’inspiration catholique, qui offrent aux prostitué(e)s à la fois soutien et possibilité de « reclassement ». Dans les années 1970, l’apparition du sida voit l’émergence de nouvelles associations de médecine humanitaire. Si, depuis 1960, la prostitution est une affaire privée, elle doit être invisible, la gentrification des quartiers nécessitant la disparition d’une activité trop voyante. D’où la création du délit de racolage et le rejet des prostituées vers les bois ou les parkings, en augmentant ainsi la dangerosité. Mais, à partir des années 1990, un afflux de prostituées venues des pays de l’est a remis le débat dans l’agenda politique, remobilisant les abolitionnistes, épaulés par le poids nouveau des féministes dans l’arène politique. Si la marchandisation du corps reste une violence faite aux femmes, la pénalisation des clients en est la mesure phare. Le débat politique s’articule surtout autour de la place du corps dans l’intime et du rapport dominant-dominé. Mais aucune prise de position ne semble pleinement convaincante, car toutes ces théories paraissent oublier l’avis des principales (aux) interessé(e)s et méconnaître l’hétérogénéité des situations. Pour l'auteur, la remise en cause actuelle du modèle du couple hétérosexuel et monogame est peut-être le plus sûr moyen de faire régresser la prostitution (p. 110).

Annie da Lage
17 août 2015
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