Le chiffre d’affaires de l’industrie chimique mondiale est passé de 171 milliards de dollars en 1970 à 4100 milliards aujourd’hui, mais elle n’en assume pas davantage les répercussions sur la santé humaine. En Afrique subsaharienne, les intoxications dues aux pesticides coûtent plus que l’aide publique à la santé (sida non compris). C’est ce que révèle un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement de 2012, rapporté ici par Fabrice Nicolino, journaliste indépendant et spécialiste des questions d’écologie. Une vingtaine de chapitres aux titres éloquents (« Quand l’homme devient une décharge ambulante », « Les grands mystères de l’inventeur des normes », etc.), divisés en de courtes sous-parties rédigées avec soin, tiennent le lecteur en haleine. Le fourmillement et la complexité des données peuvent parfois désorienter. Le dernier chapitre d’Un empoisonnement universel en particulier, abordant non seulement la nanochimie et les nanoparticules (et la nouvelle toxicité qui en découle), mais aussi la biologie de synthèse et la chimie « verte » (ou « durable »), est bien rapide. La thèse centrale est celle d’une « contamination chimique généralisée », construite en majeure partie par et au profit des grands industriels du secteur. Une de ses forces est de reposer sur l’étude des acteurs, de leurs réseaux et organisations, ainsi que sur l’étude d’individus concrets (et nommés). Il démontre, s’il le fallait encore, qu’il n’y a pas de science neutre et que les institutions, aux États-Unis comme en France, en Europe comme aux Nations unies, sont incapables de connaître l’état réel de la santé publique, dans un monde où quelque 500 millions de tonnes de substances chimiques sont produites chaque année (1 million en 1930). Face à cela, une alliance de scientifiques, de journalistes d’investigation, comme l’auteur, et – surtout – de citoyens est plus que jamais nécessaire.