Voyage de classes
Nicolas Jounin La Découverte, 2014, 245 p., 16 €Voici une démarche sociologique qui n’est guère fréquente : des étudiants en sociologie de Seine-Saint-Denis (le département le plus pauvre de France) partent explorer l’arrondissement le plus riche de Paris (le VIIIe) à une dizaine de minutes de métro. Nos enquêteurs, jeunes, souvent de couleur, de milieu social défavorisé, sont confrontés à des habitants d’âge mûr, blancs pour la plupart et issus d’un milieu social très favorisé. L’observateur ne sera donc pas en position dominante. Il lui faudra dépasser son ressenti et ses émotions faites de la crainte, voire de l’anxiété de ne pas se sentir à sa place. Il faudra oser entrer dans un palace, boire un café (à 14 euros !), se faire poliment éconduire d’une boutique de luxe. Le moment d’observation devra être concrétisé par l’entretien, la phase la plus difficile. Accepter la mortification de se sentir inférieur, le paternalisme parfois et le rappel à l’ordre social, en conservant la maîtrise de l’interview. Ne pas perdre de vue que l’on n’interroge pas des individus mais que l’on enquête sur un groupe social, aussi étrange soit-il, en se gardant des généralisations abusives. Quand ceux « d’en bas » observent ceux « d’en haut », le grand écart est de taille, mais les plus surpris ne sont peut-être pas ceux que l’on croit. À quand l’inverse ?
Pour aller plus loin
- [Nous avons lu] Monique Pinçon-Charlot, Michel Pinçon, La violence des riches. Chronique d’une immense casse sociale, La Découverte/Zones, 2013
- [Nous avons vu] Antoine Roux, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, [Film] Au bonheur des riches, France, 2013
- Michel Pinçon, Monique Pinçon-Charlot (entretien), « Être riche, la classe ! », Revue-Projet.com, 20/04/2011
6 février 2015