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La politique des oracles. Raconter le futur aujourd’hui

Ariel Colonomos Albin Michel, 2014, 290 p., 24 €

Prédire l’avenir. Cette préoccupation de l’homme présente dès la plus haute antiquité demeure toujours vivace. Et particulièrement dans le domaine politique : gouverner, c’est prévoir. En témoigne la floraison d’analystes, futuristes, experts, dans les universités, dans les think tanks ou dans les agences d’État (comme l’armée ou les services de renseignement) qui font métier de conseiller le Prince. Dès l’époque romaine, toutefois, où Ariel Colonomos commence son essai, le lien est complexe entre les augures et les magistrats. La puissance publique a besoin des augures autant qu’elle s’en méfie quand ceux-ci commencent à délivrer un message qui serait contraire aux intérêts de l’État ou, du moins, de ceux qui le dirigent. Si la politique est une affaire de prédiction, la prédiction est aussi une affaire politique. « Comment faire la distinction entre des paroles plausibles et celles qui ne le seraient pas ou qui pourraient même être nuisibles ? (…) L’équilibre entre politique et savoir se fixe le plus souvent dans un conservatisme de la stabilité. » Ce paradoxe du conservatisme dans la prédiction de l’avenir constitue la thèse centrale de l’auteur. L’augmentation considérable du nombre de futurologues va de pair avec celle du risque de surprises : effondrement du bloc soviétique, révolutions arabes, etc. Plus on prétend prévoir l’avenir, plus on est pris de court par le surgissement de l’inattendu. Dans une étude détaillée de l’activité d’analyse géopolitique, on comprend peu à peu les ressorts externes (nature de la commande politique) et internes (pratique du consensus) qui contribuent à la prédiction conservatrice. Si l’auteur esquisse quelques propositions, on voit mal qu’elles soient susceptibles d’inverser la tendance générale. En refermant le livre, on se demande si Élizabeth Teissier, la fameuse voyante de François Mitterrand, n’offrait pas, au final, le meilleur rapport qualité prix.

Matthieu Calame
9 février 2015
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