À l’occasion du lancement des Cahiers Emmanuel Mounier, les éditions du Seuil publient à nouveau cet essai de Jean-Marie Domenach sorti en 1972. Rédigée vingt ans après la mort du fondateur de la revue Esprit, cette introduction à la pensée de Mounier surprend par son actualité. De son inspiration première par Charles Péguy à la naissance de la Guerre froide, en passant par la contestation des années trente et la résistance, l’itinéraire philosophique d’Emmanuel Mounier ouvre une voie encore utile d’explorer. Car lorsqu’il parle en 1930 d’« une catastrophe sociale ou internationale [qui] nous attend quelque part sur la route », comment ne pas penser aux crises économiques, politiques, écologiques… dont les courants nous entraînent aujourd’hui vers des lieux inconnus ? Tous ses combats pourraient être les nôtres dans cette volonté de porter un discours sur la personne qui rassemble croyants et incroyants. Sa philosophie personnaliste et communautaire en a fait un anti-capitaliste avant l’heure, appelant à aider une jeunesse tentée par le fascisme, souhaitant une Europe fédérale dès l’après-guerre, invitant les chrétiens à dépasser le marxisme en humanité, à placer la femme à l’égal de l’homme. Et lorsque Jean-Marie Domenach conclut en rappelant que Mounier « sait que les dégâts causés aux hommes au nom de l’avenir radieux sont souvent irréparables », n’est-ce pas la musique de l’austérité qu’on nous impose actuellement qui résonne ?