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L’utopie

Norbert Elias La Découverte, 2014, 152 p., 16 €

L’œuvre riche et diverse du sociologue allemand Norbert Elias (1897-1990) est parvenue en France de manière tardive et fragmentée. Les trois textes inédits en français rassemblés ici ne pourront que contenter ses lecteurs et en gagner de nouveaux, d’autant plus que l’on y retrouve la même liberté de pensée et de ton comme les intuitions caractéristiques de l’auteur. Ces textes sont bien mis en perspective par une introduction de Quentin Deluermoz. Dans le premier texte (« La critique de l’État chez Thomas More »), le plus important et le plus académique, Elias analyse la représentation idéale de l’État, bâti dans l’Utopia comme le souhait d’un système politique meilleur. Il constate combien More était capable « de penser au-delà de [son] époque et combien d’idées surgissent d’ores et déjà (…) qui ne deviendront que bien plus tard le socle normal des idées débattues ». Il admire, en particulier, la diversité et la tolérance religieuses des Utopiens. Dans les deux textes suivants (« À quoi servent les utopies scientifiques et littéraires pour l’avenir ? » ; « Thomas More et l’utopie »), Elias cherche, entre autres, à comprendre pourquoi les utopies « blanches » du XVIe au XIXe siècle ont cédé le pas aux utopies « noires » du XXe siècle, dont le premier témoin est à ses yeux L’île du docteur Moreau de H.G. Wells (1896). S’il indique qu’il faut tenir compte des conventions propres au champ littéraire, Elias met en avant le fait qu’« avec l’extension du domaine de faisabilité, la responsabilité partagée des tous les êtres humains sur le cours des événements se produisant sur terre s’est considérablement accrue. » Et cet accroissement continu du « potentiel de réalisation des utopies » a tendance à nous effrayer profondément. Au-delà, ce livre constitue une belle ouverture sur le rôle de l’imagination et les futurs possibles.

Jean Vettraino
22 août 2014
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