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Jésuites et ouvriers. La mission ouvrière jésuite de 1944 à la fin des années 1990

Noël Barré Karthala, 2014, 448 p., 32 €

Difficile de résumer un tel ouvrage, qui veut faire droit à une histoire riche et complexe, française mais aussi européenne : celle d’un ensemble de jésuites qui, à des degrés divers et de différentes façons, se sont investis dans la seconde moitié du XXe siècle pour tenter de combler le fossé d’indifférence ou d’incompréhension entre l’Église et le monde ouvrier. Il est clair que ce n’est pas une étude, mais plutôt un récit de vie. Celui de Noël Barré et de nombre de ses compagnons, notamment Joseph Boudaud, qui fut le plus proche de lui dans la durée. Celui de la mission ouvrière jésuite dans son ensemble : ses origines, ses prêtres-ouvriers, ses équipes, ses enracinements par le travail et l’habitat, ses engagements sociaux, syndicaux, politiques, mais aussi paroissiaux, ses relations évolutives avec d’autres prêtres ou religieux et avec les autorités ecclésiastiques. Le choix rédactionnel, qui restitue de nombreux textes (certains même assez longs, notes inédites de l’auteur, documents ecclésiaux, comptes-rendus de réunions, portraits de compagnons, échanges de correspondances, extraits d’un bulletin de liaison…), donne le sentiment d’avoir affaire à un ambitieux rapport d’activité sur une cinquantaine d’années. Une multiplicité de noms sont mentionnés et des événements sont rapportés, sans doute avec la volonté d’honorer toutes les péripéties qui ont marqué les tensions et les avancées apostoliques. Le souci en quelque sorte de ne rien oublier des épreuves comme des délibérations. Des lecteurs pourraient s’étonner parfois de la transcription de certains échanges ou de débats internes qui n’avaient pas forcément vocation à être rendus publics. Pour qualifier cet ouvrage, je parlerais d’une « auto-monographie », dans la mesure où l’auteur a été très impliqué dans cette histoire collective. Il livre, chemin faisant, sa propre appréciation des faits et des rencontres qu’il relate. Il propose au lecteur une compréhension globale du projet de la « mission ouvrière ». À coup sûr, une œuvre précieuse de mémoire pour ceux qui s’intéressent à ce courant de pensée et d’action qui a apporté une contribution majeure pour la mise en œuvre de la problématique « Foi et Justice » dans notre société. Il fallait aussi retracer, pour les nouvelles générations, cette singulière aventure novatrice, qui témoigne aujourd’hui encore du désir de toujours partir à la recherche d’un « vivre avec » ceux qui sont à la périphérie, tant de l’Église que de la vie citoyenne. Le concept plus large d’apostolat social, qui prévaut aujourd’hui dans la Compagnie de Jésus, saura-t-il assumer l’héritage de cette mission ouvrière historique et engendrer des initiatives de vie partagée avec les plus pauvres et les plus exclus de nos sociétés ? C’est un peu sur cette interrogation et sur ce vœu que s’achève ce livre-témoignage.

Daniel Fayard
25 août 2014
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