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La nature est un champ de bataille. Essai d’écologie politique

Razmig Keucheyan La Découverte, 2014, 198 p., 16 €

Dans cet ouvrage, le sociologue Razmig Keucheyan bat en brèche l’idée reçue selon laquelle l’environnement dépasse les clivages politiques et fait l’objet d’un consensus. En revenant sur l’histoire de la justice environnementale américaine, il démontre comment la nature (et l’environnement) n’échappe pas aux rapports sociaux. Au début des années 1980, les tenants de ce mouvement, issus des courants environnementalistes et des droits civiques, dénoncent le « racisme environnemental » à l’égard des minorités noires et ethniques qui subissent de manière discriminatoire et disproportionnée les nuisances et dégradations. Les inégalités territoriales et sociales recouvrent en partie une inégale distribution des nuisances et bienfaits environnementaux, soumise elle-même à une logique de marché. Au-delà d’une description bien documentée des interactions entre inégalités sociales et environnement, l’intérêt de cette première partie réside dans une analyse de la co-construction des conceptions des notions de race, de genre, de classe et de nature (notamment celle de la wilderness indissociable de la whiteness). Objet cristallisant les conflits sociaux, cette nature est aussi un « champ de bataille » au sens propre. L’auteur décline ainsi, dans un deuxième temps, les mécanismes envisagés pour se prémunir des conséquences de la crise écologique : la financiarisation des risques climatiques et une militarisation croissante pour gérer les « nouvelles menaces » (événements climatiques) et pour s’assurer un accès aux ressources. En somme, loin de mettre à mal les problèmes qui l’ont engendré (productivisme et logique de marché), cette crise environnementale nourrirait la stratégie néolibérale capable d’en atténuer les effets sur les taux de profit. Si la thèse peut paraître réductrice aux yeux de certains, ce livre, en politisant la question environnementale, invite à penser une histoire élargie des conflits sociaux.

Marie Drique
10 juin 2014
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