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Ricœur politique

Pierre-Olivier Monteil Presses universitaires de Rennes, 2013, 400 p., 22 €

Pierre-Olivier Monteil a réussi son difficile pari : donner un exposé cohérent de la pensée politique de Paul Ricœur, qui est considérable mais dispersée en fragments à travers toute son œuvre. C’est une première. L’entreprise exigeait deux opérations périlleuses : trouver les hypothèses implicites qui sous-tendent les écrits ricœuriens afin d’aménager des passages dans l’archipel des textes ; ne pas se contenter de donner un compte rendu fidèle (sur quelles bases, d’ailleurs, puisqu’il n’existe pas de système politique chez Paul Ricœur ?), mais ouvrir les perspectives à partir de sa propre compréhension de la chose politique. Le résultat est remarquable de rigueur, de précision et d’intérêt. On ne peut résumer un ensemble si riche, qui part du paradoxe politique (qui veut que la visée du bien commun soit aussi, en une dialectique sans synthèse, le pouvoir de contraindre) pour traverser le paradoxe économique (en fait une critique fine et intelligente du néolibéralisme incapable de comprendre que l’entente dialogale est le fondement de la démocratie) et finir dans les paradoxes de l’action sensée (qui ne trouve sa source que dans la puissance poétique capable de donner à la gratitude d’être la clef du bien commun). À chaque fois, ce sont les ressources du langage qui donnent à la pensée politique de Paul Ricœur de dénouer les nœuds les plus serrés. Ainsi la métaphore dans sa capacité de déplacer les enjeux de la liberté par une parole libératrice. Ou encore la si belle notion de « dette sans faute » qui donne accès aux relations intersubjectives les plus fortes parce que telle est notre inscription dans la sphère langagière. Ou, enfin, le rôle si éclairant du paradigme de la traduction, pour comprendre les relations entre les cultures sur la base de leur singularité universelle. Car « nul n’accède au langage que depuis sa langue, mais il existe une espèce humaine parce qu’on peut traduire » et le résidu impossible à traduire se porte garant du secret inépuisable de nos histoires.

Alain Cugno
26 mai 2014
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