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À la poursuite des illégaux. Politiques et mouvements anti-immigrés aux États-Unis

James Cohen Éditions du Croquant, 2012, 252 p., 19 €

Aux États-Unis, comme dans la plupart des pays européens, la question des migrations est devenue une source de forte polarisation politique. On peut faire remonter cette tendance au second mandat de George W. Bush, qui n’a pu faire aboutir la mise en place d’un système de gestion de la main-d’œuvre, auquel la droite militante s’est opposée frontalement. Face à la présence de 10 millions d’immigrés en situation irrégulière, dont plus de la moitié sont mexicains et 80 % latino-américains, cette opposition a prôné et peu à peu mis en place des politiques nationales et locales de surveillance renforcée, pour intimider et éloigner des populations jugées « inassimilables ». James Cohen, professeur à Paris III, propose ici une recherche sur les pratiques et les discours des acteurs et des mouvements restrictionnistes (opposés aux flux migratoires), nativistes (hostiles aux immigrés eux-mêmes) et ceux des partisans néolibéraux de la fermeté. Le premier chapitre aborde la crise de la politique d’immigration dans son contexte international. Il montre que cette perspective complète de manière nécessaire l’analyse des enjeux perçus du point de vue national. Le chapitre 2 dresse un tableau des politiques répressives menées à différents niveaux (fédéral, État, county), pour mettre en œuvre un « enforcement » de la loi à l’encontre des immigrés irréguliers. Le chapitre 3 étudie les mécanismes historiques de la stigmatisation des immigrés, notamment mexicains, qui permettent de parler d’un courant nativiste contemporain aux États-Unis – il s’agit surtout ici d’une lecture des discours et des prises de position. Le chapitre 4, quant à lui, s’appuie sur un travail de terrain en Arizona, à travers une dizaine d’entretiens, qui fait apparaître le danger spécifique du profilage racial particulièrement visible dans cet État. L’ouvrage est soucieux de faire droit à une évaluation des analyses théoriques qui cherchent à rendre compte, non certes sans prendre parti, des mouvements d’opposition aux immigrés irréguliers, tout autant qu’à accorder une attention fine aux pratiques politiques concrètes (par exemple celle du shérif Arpaio en Arizona1). Ainsi comprend-t-on comment la complexité du système politique des États-Unis (selon les niveaux de pouvoir, et l’organisation de leurs rapports) a pu faire échouer une politique mesurée et consensuelle, et comment ce système a été instrumentalisé par les acteurs de la peur des immigrés. L’ouvrage aboutit à quelques questions qui trouveront sûrement résonance dans les pays européens : comment justifier le droit de rester ? Comment faire droit, dans une analyse politique des migrations, aux phénomènes de colonialité du pouvoir et du savoir qui jouent à l’échelle mondiale ? Comment mettre au jour ces climats sociologiques qui se prêtent, en certains lieux, à la banalisation des violences anti-immigrés ?



1 « Le shérif le plus coriace d’Amérique » comme il se surnomme lui-même : il a notamment réduit de plusieurs milliers de dollars les frais carcéraux de son comté en éliminant appareils de musculation, café, en réduisant les prix des repas, etc [NDLR].

Jean-Marie Carrière
2 avril 2014
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