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Paris bourgeoise, Paris bohème. La ruée vers l’Est

Sophie Corbillé Puf, 2013, 270 p., 21 €

À partir d’une étude de l’évolution de l’urbanisme dans les quartiers anciens et populaires de l’est parisien, Sophie Corbillé s’intéresse à la « gentrification » de ces quartiers. Qui est ce « bobo » qui se surimpose sur la vie de ces quartiers ? Pour certains, la vie ne se conçoit qu’à Paris intra-muros. Ils sont souvent jeunes, avec de bons revenus, et déclarent s’ennuyer dans les quartiers bourgeois de l’ouest parisien : ce sont les « bobos » (le terme apparaît pour la première fois en 2000). Ils découvrent ainsi les arrondissements de l’est parisien (10e, 11e, Oberkampf, Belleville, autant de quartiers proches du centre où le prix au mètre carré y est moins élevé). Ils ont envie de faire revivre ces quartiers qu’ils jugent, « authentiques », à leur manière ! Ils se regroupent en voulant leur donner une nouvelle vie. Sous couvert d’animer ces quartiers pittoresques, on organise des apéritifs dans les cours, des visites « insolites », on s’inscrit aux jardins partagés. Dans une sociabilité autocentrée et sélective, on apprécie l’exotisme de la population, mais on ne la fréquente pas : « Il ne s’agit pas de faire l’indigène ! » (p. 227). Les liens sont étroits entre la valeur symbolique et la valeur marchande. Les prix montent, des projets immobiliers naissent pour lutter contre les logements insalubres, au grand dam d’une population souvent modeste, présente depuis des décennies. On passe insensiblement de la défense du quartier à sa valorisation et, finalement, à sa « gentrification ». Cette logique est relayée par les pouvoirs publics et la « politique de la ville », avec, par exemple, la création de conseils de quartiers dans lesquels les anciens habitants ne se reconnaissent pas. Dans la pratique, des conduites d’évitement se font jour. L’école en est le plus bel exemple : à l’école de quartier, à forte connotation ethnique, s’oppose l’école privée, garante d’un « bon voisinage ». À partir d’une observation attentive de ces quartiers pendant une dizaine d’années, l’ethnologue nous montre comment ce phénomène participe de l’évolution entamée dès les travaux d’Haussmann : déjà, l’on chassait les plus pauvres à la périphérie. Elle souligne la spécificité de Paris entre permanence et changements en participant à l’économie de la renommée et de l’image (p. 264). Mais où iront les enfants des ces « bobos » ? Poursuivront-ils la « ruée vers l’Est » en franchissant le périphérique ?

Annie da Lage
5 décembre 2013
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