Les femmes ont travaillé de tous temps. Mais qu’appelle-t-on avoir un travail ? C’est le comptage qui fait problème. Au cours des recensements successifs, la notion de « travail » a évolué : si le chômeur est comptabilisé comme personne active depuis le recensement de 1896, où se situent les travaux à domicile, les « temps partiels », les « petits boulots » ? Comment marquer la différence entre chômage et inactivité ? Ainsi, depuis le recensement de 1954, les femmes d’agriculteurs, auparavant considérées comme actives, sont devenues « sans travail » ! D’où l’exclusion d’un million de femmes des statistiques. Moins diplômées que les hommes, elles arrêtent souvent d’exercer une activité salariée pour élever les enfants ou travailler à domicile (couture, repassage, etc.). À partir de 1950, le modèle de la femme au foyer ne persiste que dans les milieux aisés. La tertiarisation de l’économie fait la place belle aux femmes, qui, dès 1970, atteignent un niveau d’études équivalent à celui des hommes. Elles semblent ainsi d’abord moins touchées par la montée du chômage qui affecte surtout des secteurs où elles sont moins représentées (industrie, bâtiment). Mais les définitions changent encore, avec la différence faite entre chômeur et inactif (celui ou celle qui diffère la recherche d’un nouvel emploi, souvent pour raison personnelle) ; l’inactivité concernerait plutôt les femmes. Dans les années 1970 aussi, une nouvelle catégorie se fait jour : celle des temps partiels (30% de femmes salariées). L’erreur a été de penser qu’il s’agissait d’un choix délibéré ! Le salaire féminin redevient un salaire d’appoint, passant inaperçu dans le revenu du ménage. Cette enquête sociologique met le doigt sur la fragilité de l’interprétation des statistiques dont les critères n’ont cessé d’être modifiés. Quelle activité nomme-t-on emploi ? Ce qui est sûr, c’est que dans le monde du travail, les femmes n’ont jamais été une minorité.