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Le théorème du lampadaire

Jean-Paul Fitoussi Les liens qui libèrent, 2013, 256 p., 20 €

Une belle signature : Jean-Paul Fitoussi, professeur d’économie à Sciences-Po, longtemps président de l’Observatoire français des conjonctures économiques, coauteur avec Joseph Stiglitz et Amartya Sen, en 2009, du Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social. Un titre prometteur : enfin un économiste de premier ordre comparant sa discipline à cet homme cherchant sa clé égarée dans le seul cercle du lampadaire ! Un titre risqué aussi, qui annonce que l’auteur donnera à voir ce que nul autre n’aurait vu avant lui ! Mais la promesse est-elle tenue ? Figure de proue du keynésianisme français, Jean-Paul Fitoussi cherche avant tout à réhabiliter le père des politiques de relance, au regard de la crise économique – qu’il analyse par le menu, des subprimes aux dettes européennes. Il se montre d’ailleurs convaincant – très professoral aussi – dans cet exercice. Même si la démonstration paraîtra familière aux lecteurs des articles de Gaël Giraud dans la Revue Projet. L’unique chapitre consacré à la mesure de la richesse demeure assez classique. Mais l’on retiendra de ce livre deux idées forces. Premièrement, l’ajustement structurel que s’inflige aujourd’hui l’Europe est l’instrument d’une idéologie – le retrait de l’État au profit du tout marché – qui reste solidement ancrée, alors même qu’elle a fait la preuve de son impéritie et qu’elle ne sert qu’une infime minorité. En atteste cette statistique qui fait froid dans le dos : entre 2002 et 2007 (sous Georges W. Bush), 65 % de la croissance du Pib aux États-Unis a été accaparé par les 1 % les plus riches. Le second message pourra surprendre, de la part d’un « noniste » lors du référendum sur le traité constitutionnel de 2005 : l’Union européenne (UE) peut encore faire rêver. Encore faut-il qu’au lieu de se priver d’outils clés de politique économique (le budget, la monnaie) et d’interdire ainsi tout débat public à ce sujet, en vertu de thèses parées des atours de la saine gestion, l’UE mise sur la démocratie. L’auteur revendique ici le rêve d’une Europe fédéraliste, dotée d’une « vraie constitution » – non pas un texte qui grave des choix économiques dans le marbre, mais un outil pour faire vivre le débat politique. « Pour que plus jamais certains peuples ne soient qualifiés de périphériques ». Le propos méritait d’être défendu.

Jean Merckaert
6 novembre 2013
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