Depuis le milieu des années 2000, on assiste en France à « une ‘épidermisation’ hystérique du débat public » dans le déploiement d’une rhétorique raciale et culturaliste au sein des élites qui tend à masquer les situations économiques et sociales vécues par la population. La résurgence de la « question blanche » – les « Blancs » étant décrits, par un renversement du discours, comme stigmatisés et opprimés – participe de ce mouvement. Cet ouvrage cherche à en comprendre les significations multiples et interroge « les privilèges et la symbolique qui s’attache à cette blancheur ». à travers une trentaine de courtes contributions (articles ou entretiens), il ouvre une multitude de pistes qu’une bibliographie choisie permet de creuser. La grande hétérogénéité des auteurs (du musicien Magyd Cherfi à la sociologue et politologue Dominique Schnapper) et des propos est une bonne manière d’aborder un sujet aussi clivant, parler des « Blancs » comportant le risque de « contribuer à fabriquer une réalité ethnique », celle-là même que dénonce le livre. Ainsi, pour l’historien Gérard Noiriel, l’interrogation « Qu’est-ce qu’être blanc ? » n’a pas de sens en soi : il faut « voir qui pose la question et comment. » « Blancs », « petits Blancs » et autres sont aussi resitués dans l’héritage colonial français et les imaginaires contemporains (véhiculés en particulier par le cinéma, la télévision ou encore le rap). La dernière partie de l’ouvrage insiste sur le problème proprement politique que la « race » pose à la République, un problème inscrit par ailleurs dans un contexte européen plus large. La blancheur ou blanchité (« whiteness » en anglais) est un thème peu connu du grand public en France ; ce livre vient combler en partie ce vide. Il rappelle qu’« antiraciste sincère ou pas, le ‘Blanc’ est inscrit dans une logique majoritaire qui entraîne une forme de cécité », dont nous pâtissons tous.