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Une histoire de la grande pauvreté dans la France du XXe siècle

André Gueslin Pluriel, 2013 [2004], 470 p., 10 €

« Salauds de pauvres », lançait Gabin en 1956 dans La traversée de Paris, comme si dans l’optimisme de l’après-guerre on voulait exorciser la pauvreté. Mais le problème est loin d’être résolu. Il y a eu certes une prise de conscience depuis le début du XXe siècle que le « pauvre » n’est ni un paresseux, ni un débauché responsable de sa pauvreté, à secourir, à éduquer, etc. Avec la crise économique et l’apparition des travailleurs pauvres, la pauvreté est entrée en politique. Mais qu’est-ce qu’un pauvre ? C’est celui dont les ressources sont si faibles qu’il ne peut s’insérer dans le mode de vie de l’État dans lequel il vit. À la charité privée des grandes familles s’est substituée la nécessité d’une prise de conscience collective. De grandes voix se sont faites entendre : celle de l’abbé Pierre durant l’hiver 1954, réclamant un logement décent (l’État se montre réactif pour la première fois), celle du père Wresinski et du Mouvement ATD Quart Monde, ainsi que celles d’autres associations comme les Restos du cœur et le Samu social. L’État-providence intervient avec la mise en place de bureaux d’aide sociale, du minimum vieillesse, du Smic, du RMI (qui rompt avec la logique libérale : pas d’argent sans contrepartie en travail, mais avec obligation d’insertion), du RSA, de la CMU. Pourtant les chiffres n’ont guère varié au cours du siècle : de 10 % à 15 % de pauvres ! Après l’euphorie des Trente Glorieuses et l’idée que la pauvreté finira par être éradiquée avec la croissance, l’État a laissé de côté toute une frange de la population, (marginaux, sans-papiers, SDF, ceux auxquels les minima sociaux ne permettent pas de se loger). Et voici que la montée du chômage fait plonger rapidement dans la précarité et qu’apparaît un nouveau groupe : les travailleurs pauvres (working poors), dont le salaire ne permet pas d’assumer les besoins de la vie quotidienne. Bien sûr, la lutte contre la pauvreté est inscrite dans le préambule des Droits de l’homme. Mais l’enjeu est aussi très concret : si les exclus font toujours peur, ils sont aussi des consommateurs potentiels. Dans une société où le travail reste une valeur centrale, comment faire une place à ces « gens de rien » ?

Annie da Lage
5 août 2013
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