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La force de l'ordre. Une anthropologie de la police des quartiers

Didier Fassin Seuil, 2011, 382 p., 21 €

Voici une des rares enquêtes de terrain conduites dans la durée (2005-2007) sur le rôle de la Bac (brigade anti-criminalité) dans les cités de banlieue. Aujourd’hui, une telle enquête ne serait plus possible, faute des autorisations nécessaires. Didier Fassin, qui a sillonné une Zus (zone urbaine sensible) avec une patrouille, se pose la question : comment la police est-elle devenue le garant de l’ordre social plutôt que de l’ordre public? Plantons le décor : d’un côté, une Zus où 80 % des habitants sont originaires du Maghreb ou de l’Afrique subsaharienne, où 25 % de la population est au chômage, avec un niveau socio-économique très faible. De l’autre, les policiers de la Bac, en civil, venant souvent de province, de milieu social souvent modeste, entraînés à l’affrontement et très autonomes vis-à-vis de leur hiérarchie. Que se passe-t-il au cours d’une nuit de patrouille? Pas grand-chose. L’ennui, la nécessité de faire du chiffre conduisent les policiers à des interpellations hors de proportion avec les faits, sur fond de discrimination, voire de violence et de racisme envers des jeunes coutumiers de ces provocations. On ne les contrôle pas pour ce qu’ils ont fait mais pour ce qu’ils pourraient faire! La police est le garant de l’autorité et de la sécurité des citoyens mais il semble que nous arrivons à une dérive sécuritaire dangereuse. Si la police est depuis longtemps différenciée selon son public, ses prérogatives de plus en plus larges la voient passer du service de la population à celui de l’État. Son action, souvent inappropriée, est utilisée à des fins politiques qui instituent la question sécuritaire en réponse à l’inquiétude de la société. On aboutit à l’inverse de l’effet escompté. La population de ces quartiers ne se sent plus protégée, mais stigmatisée : c’est la négation du vivre ensemble. D’une écriture alerte et précise, ce livre montre que la force n’est pas la violence et que la police risque de n’être que le garant d’un ordre établi.

Annie da Lage
1er avril 2012
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