En août dernier, les émeutes en Angleterre ont mis, une fois de plus, les périphéries urbaines au centre de l’actualité. Les banlieues sont en effet à « l’épicentre du problème social contemporain » (p.157). C’est un des mérites de l’ouvrage que d’interroger le vocabulaire, la rhétorique et les représentations qui y sont attachés. Ces questions sont cruciales : elles conditionnent « la possibilité même de discussions et de décisions lucides et fécondes », comme le remarquait Olivier Mongin à propos de la ville (La condition urbaine, 2005, p. 14). Médiatiquement construite, la perception des banlieues est en effet singulièrement déformée : elles sont souvent abordées uniquement sous l’angle sociologique. Sans le négliger, Hervé Vieillard-Baron adopte une approche géographique, historique et comparatiste particulièrement stimulante. Banlieues et périphéries est une synthèse magistrale et remarquablement illustrée. La nouvelle édition revue et augmentée intègre les statistiques les plus récentes ainsi que les émeutes urbaines françaises de 2005 et 2007. L’ouvrage est clairement structuré : la ville et ses périphéries ; la formation des paysages de banlieue ; une mise au point sur les « quartiers sensibles » et leur traitement à travers la politique de la ville depuis les années 1980 ; enfin les périphéries d’autres pays européens et d’autres continents. Les banlieues sont en évolution rapide et constante ; à travers elles, ce sont nos conceptions même de l’urbain et du vivre-ensemble qui sont en jeu. Au-delà des singularités de chaque métropole, on assiste à une complexification de l’espace urbain. La distinction classique entre centre et périphérie n’est plus opérante : l’identité et les frontières des banlieues tendent à se diluer ; les figures qui dominent sont celles de la mosaïque, du patchwork. Les grandes dynamiques de recomposition territoriale sont similaires : fragmentation des banlieues par le haut (centralité accrue) et par le bas (mouvement de périphérisation). Cette fragmentation s’accompagne d’une aggravation des inégalités, pouvant mener à un « éclatement urbain » et à une relégation telle qu’elle créerait des citoyens de seconde zone.