Ce numéro de la revue semestrielle du Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales (Mauss) mérite le détour. Il reprend à frais nouveaux les fondements et les perspectives éclatées de la démocratie dans ses liens avec l’économie. Face à la crise de la démocratie représentative - où, du fait de la professionnalisation, les représentants sont de moins en moins représentatifs ! -, les autres formes de démocratie (participative, délibérative, éco-démocratie) se cherchent une voie praticable à grande échelle. La « démocratie des interstices » présentée par l’anthropologue américain D. Graeber, fait davantage penser aux pratiques sociales de maraude et de braconnage naguère analysées par Michel de Certeau, qu’à une véritable alternative. Car cette démocratie-là procède trop de l’anarchisme libéral et trop peu de l’institutionnalisation des pratiques de terrain. La crise de légitimité des élites gouvernementale est finement analysée par Jean-Pierre Worms. Quant aux « systèmes d’échanges locaux », bien mis en valeur avec leurs ombres et leurs clartés par B. Liatard et D. Lapon, ils rappellent par leurs limites la nécessité d’un principe de souveraineté dans toute communauté humaine fondée sur un contrat social. Pour leur part, Michel Bauwens et Remi Sussan éclairent, à partir de l’expérience du peer to peer, les attendus du phénomène grandissant de l’économie libérale d’aujourd’hui : les réseaux, à la fois plus adaptables que les organisations à l’environnement changeant, et plus conformes à l’idéologie dominante de l’autonomie individuelle.