Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site

L’étrangeté française

Philippe d’Iribarne Seuil, 2006, 294 p., 21 €

La France étrangère à elle-même, pourrait-on dire. D’autres se sont essayés à diagnostiquer « le mal français », ou encore les atouts de « l’exception française ». Ce n’est pas sur ces régions institutionnelles et politiques que s’exerce l’acribie de Philippe d’Iribarne. Poursuivant une analyse courageuse dans le no man’s land de l’interdisciplinarité, l’auteur prolonge ses intuitions suggestives énoncées dans La logique de l’honneur : la culture joue un rôle central dans les rapports économiques et sociaux. Encore faut-il considérer la culture dans sa plus large acception : la culture est rapport au monde et à la société. Déjà dans Culture et mondialisation, Philippe d’Iribarne montrait les conséquences organisationnelles des divergences culturelles au sein d’une même entreprise transnationale. Ici il montre que la crise de l’identité personnelle, le rapport difficile avec l’étranger et l’usure des autorités établies, sont en France structurellement liées. D’où cette apparence d’incohérence, tellement spectaculaire dans l’histoire du pays. Le pays qui se gargarise d’avoir vu naître la formulation moderne des droits de l’homme est aussi celui de la colonisation et de la débandade. Le pays qui se pique d’universalisme républicain est également celui du sectarisme quotidien. Pays où l’on ne rêve que de droits nouveaux pour chacun et où on attend tout, la sécurité, la santé et le bien-être, de l’Etat, comme si l’Etat, sacrement de l’intérêt général, pouvait être aussi le symbole efficace du bien commun. La méfiance hargneuse envers tout le communautarisme emporte la culture française dans un tourbillon de passions désordonnées qui lui fait oublier le b-a ba de la relativité historique. C’est le grand mérite de ce document de travail, austère et besogneux, que d’en appeler à la nécessité d’une relecture de l’histoire française, à reprendre en permanence, à nouveaux frais.

Yann Galenna
6 juin 2012
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules