Voici un livre sans complaisance, à lire forcément dans le contexte politique qui est le nôtre si on s’intéresse à la chose publique, aux mutations de la société française et à l’élection présidentielle de 2007. Un véritable voyage à l’intérieur du parti socialiste, froid, lucide, documenté. À travers la rigueur et l’austérité de l’analyse, on sent poindre une certaine nostalgie. Comme si les choses auraient pu être autrement, alors que l’enchaînement inéluctable des contraintes du parti, des ambitions personnelles, de l’évolution de la société, du clientélisme électoral, de la professionnalisation de ses cadres conduit le PS à apparaître comme une société de plus en plus fermée sur elle-même. Une société où « l’expertise politico administrative l’a emporté sur l’expertise acquise dans l’action associative ou syndicale ». Une société bloquée par les anciens, qui ont décroché des mandats électifs dans les années 70-80 et dont l’ambition principale est de donner l’image d’un bon édile pour être rééligible, hors de tout clivage idéologique, avec comme principe de gouvernance : l’opinion. Une société où le militant est devenu un animal politique débattant et dissertant au service d’un élu, avec en arrière-fond des petits bénéfices collatéraux, une amélioration de sa carrière professionnelle ou la perspective hypothétique d’une véritable carrière. Ce qui renvoie à une société tendue, où la réconciliation entre ses membres est malaisée compte tenu des rivalités, mais dont il est difficile de sortir tant sont puissantes la force de l’habitude et l’attraction de la discorde. La désignation récente de Ségolène Royal s’explique aisément par l’état du PS, prêt à beaucoup d’ajustements tactiques pour gagner ou conserver le pouvoir. Elle semble plaire au peuple. Et justement, ce sont les classes populaires qui posent problème au parti socialiste du XXI^e siècle. Jaurès et Guesde peuvent se retourner dans leurs tombes.