Bernard Perret n’a pas son pareil pour décrypter les contradictions tant théoriques qu’empiriques du monde économique dans lequel nous vivons. Dans son dernier livre, il met en lumière l’incapacité de la pensée économique dominante à intégrer la question de la destruction du milieu terrestre par nos activités de production, d’échange et de consommation. Mais, loin de se cantonner à une simple dénonciation des pratiques et des idéologies en vigueur, il esquisse les traits d’une « raison écologique », expression par laquelle il entend un mode de pensée qui préserverait « les principales fonctionnalités sociales de la rationalité économique en les dissociant du mythe de la croissance indéfinie » (p. 116). Pour Bernard Perret, le principal défi est presque de nature anthropologique. Il s’agit en effet de faire en sorte que l’homo œconomicus se transforme en homo viabilis, c’est-à-dire en un « homme viable » qui serait apte à tracer « un nouveau chemin » (p. 17). Loin de toute nostalgie passéiste, l’auteur nous guide vers une nouvelle façon d’appréhender la réalité économique. Dans la perspective ainsi ouverte, de nombreuses recommandations peuvent être formulées qui vont de la « démarchandisation » de la société à l’institution du droit des générations futures, en passant par de nouvelles mesures du bien-être. En refermant ce livre pétri de culture et de logique, on pense au philosophe américain Michael Walzer affirmant que le monde est autant l’œuvre de notre esprit que de nos mains.