Historien, politologue, enseignant en Afrique du Sud et aux États-Unis, le Camerounais Achille Mbembe est un « africaniste » réputé, qui reproche notamment aux chercheurs français d’ignorer la critique post-coloniale en vogue dans les pays anglo-saxons. Son livre a d’ailleurs suscité une vaste polémique dans la revue Politique africaine (n° 120, décembre 2010). Pour l’auteur, la colonisation africaine représente un phénomène central de l’histoire humaine. « Il y a un demi-siècle, la plus grande part de l’humanité vivait sous le joug colonial, une forme particulièrement primitive de la domination de race. » La première phrase du livre en marque l’enjeu et les limites. L’auteur conclut que l’Afrique doit rejeter l’Europe et s’inspirer, après les tentatives du Libéria et d’Haïti, du laboratoire du futur que représente aujourd’hui l’Afrique du Sud. Une thèse séduisante, très populaire au sein de la diaspora africaine. Reste que le vaste territoire africain se prête à toutes les démonstrations. On peut y trouver toutes les thèses et leur contraire, mais les réalités du terrain ne font pas toujours bon ménage avec les théories flamboyantes. Il n’empêche, ce livre est révélateur d’un désir africain, nourri de frustrations anciennes et d’ambitions nouvelles. Dans ses outrances, il témoigne de blessures profondes non encore cicatrisées.