Jean-Michel Séverino et Olivier Ray connaissent l’Afrique, leur livre fourmille de chiffres crédibles, de réflexions sensées et d’anecdotes prises sur le vif. La palette des sujets abordés est impressionnante : démographie, économie, politique, diplomatie, cultures, religions... Les auteurs connaissent l’Afrique, mais la comprennent-ils tout à fait ? Elle risque de n’être qu’une juxtaposition de terre, d’eau et de peuples : « Qu’est-ce que l’Afrique ? Une invention » (p. 15), « il n’y a plus d’Afrique » (p. 185). Dans leur démarche, l’histoire et la culture sont trop négligées. En témoigne, entre autres, le chapitre 13 « De la démocratie en Afrique » (9 pages – n’est pas Tocqueville qui veut !) : pas un mot sur la conception traditionnelle et la sacralité du pouvoir, sur l’inertie des sociétés consensuelles, sur la nécessaire redistribution de biens par le chef, sur la non-compréhension de l’État, etc. De même, le phénomène religieux est observé dans ses seules manifestations chrétiennes et musulmanes, puisque, d’après les auteurs, « le terreau ‘animiste’ africain se dissout à grande allure » ! Le véritable intérêt de l’ouvrage est de dresser l’exact portrait de l’Afrique que les Occidentaux de bonne volonté s’obstinent à aider, sans se demander si les déconvenues, depuis un demi-siècle, ne proviennent pas de cette image faussée. Dans cette perspective, ce livre rendra grand service aux citoyens, aux Ong et aux hommes politiques.
22 octobre 2010