Un livre passionné et austère. Mais l’italien Giovanni Dotoli, l’un des meilleurs spécialistes et sans doute le défenseur le plus convaincu de l’espace méditerranéen, sait de quoi il parle. Depuis la Grèce et Rome, la civilisation méditerranéenne est le fruit d’une longue histoire commune, de connivences et de déchirements, qui a vu naître les trois religions monothéistes et les premiers philosophes. Mais l’Europe s’en est peu à peu détachée, jusqu’à l’ignorer sinon la mépriser. Aujourd’hui pourtant, le modèle protestant du Nord européen atteint ses limites, menacé de surcroît par le déferlement des populations du Sud. D’où l’importance de raviver les relations entre les rives opposées de la Méditerranée, autrement que par le libre-échange proposé par une Europe indifférente aux dimensions sociale, culturelle et humaine de ce projet. Si le processus de Barcelone (1995) restait timoré et ambigu, le traité de l’Union méditerranéenne (2008) pêche par irréalisme – une politique commune en Méditerranée est-elle possible tant qu’Israël ne reconnaît pas la Palestine ? Et puis, il y a cet aveu incidemment lâché : « Au fond, les États-Unis restent les gardiens des pays méditerranéens » (p. 115). On regrette que G. Dotoli ne donne que le regard de la rive nord ; > celui de l’Afrique, à partir de la Méditerranée Sud, reste largement occulté. Un livre prophétique cependant, et qui donne à penser…