Un livre central pour comprendre les enjeux de la politique israélienne et du conflit entre Israël et le monde arabe. Souvent réduit à la seule opposition entre Juifs et Palestiniens, le problème est ici rendu à sa complexité première : l’incompatibilité entre religieux et laïcs au sein même de leur société. Journaliste et historien franco-israélien, Marius Schattner fait remonter cette confrontation au débat sur des Lumières. Il en retrace les étapes, du mouvement sioniste en Russie, autour de 1880, à la reconnaissance de l’État d’Israël en 1948, puis de la montée du nationalisme après la guerre des six jours (1967) à son déclin depuis le retrait de Gaza (2005). Un parcours jalonné de précisions intéressantes, telle l’indifférence de Ben Gourion aux victimes de la Shoah au prétexte que tout devait être subordonné à la création d’un État juif en Palestine (p. 236-237), ou le refus d’accorder la nationalité israélienne à tout juif converti du christianisme (p. 161). L’affrontement qui a opposé les orthodoxes aux sionistes, au long des xix^e et xx^e siècles est ainsi devenu structurel au sein de l’État d’Israël. D’où la nécessité, pour M. Schattner, de s’interroger sur « le contenu de l’apport juif à l’israélité », et de s’attaquer aux questions restées sans réponse depuis 60 ans : « Qu’est-ce que le judaïsme ? Quel est son contenu ? Que signifie un État juif ? » (p. 372).