David Graeber (1961-2020) a porté un regard souvent novateur sur des dogmes présentés comme des vérités irréfutables, en cherchant à analyser ce qu’il considérait comme des « mythes » modernes ayant pour effet, selon lui, de nous empêcher d’espérer des arrangements sociaux plus heureux que ceux d’aujourd’hui.

On regrette désormais le point de vue percutant qu’il aurait pu poser sur la conjoncture : les obstacles aux avancées sur les questions environnementales, le retour d’évènements qu’on pensait à jamais révolus, comme la guerre en Europe et, sur le plan économique, le retour des pénuries et de l’inflation avec comme perspective « la fin de l’abondance », selon les mots du président Macron.

Éclectique et transdisciplinaire, l’approche de Graeber ouvre des perspectives optimistes sur l’être humain – qu’il considère potentiellement comme une créature imaginative, intelligente, joueuse et altruiste – et le monde social, qu’il est selon lui possible de choisir et de rendre plus équitable. Ambitieux, le propos graebérien se propose de renouer avec les grands systèmes de pensée et de transcender les frontières entre les sciences sociales1.

Modeste, malgré certaines de ses formules frappantes, il récuse l’idée que l’on puisse accéder à des vérités irréfutables et universelles. Or certaines sciences sociales semblent parfois plus péremptoires que les sciences de la nature, qui établissent des vérités statistiques et considèrent qu’aucune connaissance n’est à l’abri d’une possible révision.

Anthropologie critique

Plutôt que de substituer de nouvelles vérités univoques aux anciennes, David Graeber s’attache surtout à montrer la variété des arrangements sociaux dans l’histoire avec, comme perspective, la persista