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Le façonnage des élites de la République

Claire Oger Presses de Sciences Po, 2008, 306 p., 25 €

Reproduction des élites, sujet classique : mais nous sommes là à la fine pointe du mécanisme, dans une analyse précise, solide, à la fois sémantique et quasi ethnologique, du contenu, de la méthode et de la visée (« ethos ») des épreuves générales de trois grands concours : École supérieure de guerre, École nationale d’administration, École de la magistrature. Le matériau étudié, exclusivement écrit, est clair et significatif : texte officiel et sujets pour les contenus, rapports des jurys et quelques citations des meilleures copies pour l’interprétation et l’illustration. L’analyse de contenu, telle un trépan pétrolier, détaille trois faces complémentaires de la matrice de façonnage : la méthode d’ex position, les terreaux culturels de référence, les caractéristiques du « candidat-modèle ». Bien sûr, chaque filière présente ses spécificités – ancrées le plus souvent dans l’histoire d’un côté (guerre et décolonisation pour les militaires, libération-reconstruction pour l’Ena, bouillonnement des années 70 pour la magistrature), dans la perspective professionnelle de l’autre côté –, avec son propre modèle d’action au service de l’État. Mais le filtre inexorable fonctionne dans les trois cas de façon semblable : par-delà les connaissances, c’est le « style » qui discrimine, c’est la « méthode » qui distingue, c’est l’ « aisance » surtout à travers laquelle se jauge la personnalité du « futur collègue » potentiel… Le côté presque inquiétant de l’ouvrage, ressort de la solidité et de la persistance des mécanismes de « réplication » appliqués à la sélection des « élites » de la République, se fondant plus sur le façonnage social antérieur que sur des savoirs acquis, se légitimant surtout par les projets de fondateurs (lointains) plutôt que par les besoins (proches) d’un pays et d’une société en mutation, face aux défis des prochaines années. Un seul regret : que cette même approche ethno-linguistique ne soit pas élargie, avec le même talent, à d’autres « filières de statut » bien françaises, telles que l’X, HEC, ou l’Inspection générale de l’éducation nationale !

Henri Laurent
13 juin 2008
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